L’hypothèse du double mandat comme radicalisation de l’Assemblée constituante


Un débat alambiqué

Le débat stratégique sur la question nationale au sein de Québec solidaire bat son plein. Pour récapituler les enjeux, la Commission thématique stratégie pour la souveraineté a proposé depuis un certain moment une demande de révision de programme afin de préciser que le mandat de l’assemblée constituante serait de rédiger la constitution d’un Québec indépendant. Cette suggestion visait à éviter l’éventualité où le processus constituant déboucherait uniquement sur une constitution provinciale, enlevant par le fait même la capacité au peuple québécois d’exercer son droit à l’auto-détermination lors du référendum. L’important, c’est que la population puisse se prononcer minimalement pour ou contre l’indépendance à la fin du processus constituant, car la détermination du statut politique du Québec ne doit pas reposer sur une minorité élue, qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou constituante. C’est le principe de souveraineté populaire, qui renvoie à la fois à l’indépendance nationale, à l’auto-gouvernement du peuple et à l’exercice démocratique menant à ce double objectif.

Or, cette proposition avait suscité diverses réactions au sein du parti, dont la principale peut être résumée comme suit : le fait de restreindre l’assemblée constituante à la rédaction d’une constitution indépendantiste aura pour conséquence de susciter l’aversion des fédéralistes et indécis, faisant ainsi perdre le caractère inclusif et la légitimité du processus constituant. L’assemblée sera noyautée par des souverainistes convaincus, et les adversaires n’auraient qu’à attendre le référendum pour bloquer le projet. On reproduirait ainsi la même erreur de la stratégie référendaire du mouvement souverainiste classique. La deuxième stratégie consiste alors à garder la position actuelle et ouverte de l’assemblée constituante, qui n’a pas soulevé de problèmes importants jusqu’à maintenant.

Ce débat polarisant entre la version ouverte ou précisée du mandat pourrait même déboucher sur un résultat déchirant lors du prochain Conseil national. Soit la première option gagne, Québec solidaire se radicalise sur le plan souverainiste et ouvre ainsi certaines alliances possibles avec Option nationale (voire le Parti québécois si celui-ci s’engage dans un processus référendaire). Mais il perdrait alors sa spécificité stratégique et inclusive qui lui permettait de se démarquer des autres partis souverainistes. Soit la deuxième option l’emporte, le parti demeure ouvert aux personnes non convaincues par le projet indépendantiste, mais reste prisonnier d’un double discours qui affirme d’une part les mérites du pays, et d’autre part la possibilité de plaire au plus grand nombre. Cette deuxième solution maintiendrait le statu quo, confirmant ainsi les soupçons d’un souverainisme mal assumé ou complexé qui déplait tant aux indépendantistes qu’aux fédéralistes méfiants. Cette stratégie mitoyenne n’est pas gagnante, ni dans la rue, ni électoralement parlant.

L’hypothèse de la double constitution

Comment sortir de cette impasse, où Québec solidaire doit rassembler une majorité populaire alors que la question nationale divise, tout en assumant pleinement la double nécessité du projet de pays et de transformation sociale qui sont inextricablement liés ? Comment créer un consensus au sein du parti, qui ne soit pas un simple compromis ou un juste milieu anodin visant à masquer des divergences fondamentales ? Dans son dernier texte « Pour un référendum avec deux OUI », Benoit Renaud suggère une piste fort intéressante :

« Il convient donc que l’Assemblée nationale donne à l’assemblée constituante un mandat à la fois clair et inclusif. Cette dernière devrait élaborer deux projets de constitution : une nationale, l’autre provinciale. Une bonne partie du texte pourrait être identique dans les deux versions. Dans les débats de l’assemblée et les consultations populaires qu’elle conduira, les fédéralistes auront l’occasion d’influence le projet des indépendantistes et vice versa.

Cette formule permettrait des débats sereins et constructifs à l’étape de la Constituante, ce qui préparerait le terrain pour une campagne référendaire respectueuse et éclairante. Le résultat du référendum ne pourrait alors qu’être positif pour le Québec. Pour les indépendantistes, le pire scénario serait l’adoption d’une constitution provinciale incluant une bonne partie des principes qui leur tiennent à cœur, et ce, à la suite d’une démarche infiniment plus démocratique que celle ayant présidé à l’adoption de la constitution canadienne. Ce serait un point de départ solide pour exiger le transfert vers le Québec de nouveaux pouvoirs et un fédéralisme asymétrique.

Pour les fédéralistes, le pire résultat serait que le Québec décide de faire son indépendance tout en garantissant un certain nombre de droits dans sa loi fondamentale et en faisant du Québec un pays qualitativement plus démocratique que le Dominion du Canada. Nous pouvons parier que dans un débat participatif et inclusif de toutes les composantes de la nation, les institutions de la communauté anglophone seraient respectées, de même que les droits des minorités. »[1]

Cette solution apparemment « gagnante-gagnante » est sans doute la plus simple et élégante pour établir un large appui populaire autour du processus constituant. Or, il faut souligner les failles potentielles de cette approche afin de mieux comparer les bienfaits et désavantages d'une double question (ou même triple question, car il faudrait laisser le choix au peuple québécois de refuser les deux constitutions s'il n'en veut pas tout simplement). Un ensemble de questions surgissent alors : le peuple québécois, s'il doit choisir entre deux options de constitution, votera-t-il positivement pour la constitution elle-même, ou simplement pour ou contre l'indépendance, l'option du Oui et Non étant seulement enveloppée dans un emballage constitutionnel?

Ensuite, est-ce que le fait de rédiger deux constitutions mènerait la population à moins se soucier du résultat final, chacun ayant le choix entre une rupture potentiellement risquée (souveraineté) et un prix de consolation (une belle constitution qui scellerait notre dépendance nationale) ? Est-ce que le but de la constituante est de former un projet de pays, ou un double projet constitutionnel qui laisse aux citoyens-consommateurs la possibilité de sélectionner l'option qui correspond le mieux à leurs préférences personnelles ? Est-ce que l’assemblée constituante souffrirait d’un « trouble dissociatif », celle-ci devant consulter systématiquement la population pour les deux projets?

L’analogie de l’autoconstruction

La réponse la plus simple à donner à ces différentes objections est qu’un double projet de constitution permettra de rendre saillantes les différences fondamentales entre deux options politiques, et donc de présenter une alternative qui ne repose pas sur un Oui ou un Non indéterminé. Aucune des deux options ne représente un chèque en blanc donné aux gouvernants, mais chacune exprime un projet politique élaboré démocratiquement par le peuple, qui pourra prendre un choix éclairé quant à son avenir politique. Choisira-t-il le risque ou la sécurité, l’aventure de la liberté ou le confort du monde familier ? Cette question n’est pas spécifique à la stratégie du double mandat de l’assemblée constituante, elle ne découle pas de la présence de deux constitutions, mais renvoie à toute question fondamentale qui relève d'un choix sur des trajectoires socio-politiques, de la décision qui permet de trancher une incertitude et d’avancer.

Le but de l’assemblée constituante est de rendre visible la divergence entre deux chemins collectifs, et permettre au peuple québécois de faire le saut nécessaire à ce point de bifurcation de son histoire. Il s’agit de lui donner le courage de son avenir, de lui apprendre à s’autodéterminer, et donc de choisir l’indépendance. Comme le peuple donnera au pays  une forme concrète qu'il aura forgé à son image, il aura forcément le goût de séjourner dans sa nouvelle demeure. Pour prendre l’exemple d’une pratique sociale émergente, l’assemblée constituante repose sur le principe de l’autoconstruction, qui désigne le fait pour un individu ou un groupe de réaliser une construction (maison, voilier, éolienne, chauffe-eau solaire, etc.) avec l’aide réduit de professionnels. Cette méthode alternative implique un travail collaboratif qui permet de développer les capacités de chacun, tout en produisant une œuvre écologique, personnalisée et conviviale. Ce principe repose sur des motivations variées, les gens construisant « des maisons individuelles ou partagées pour toute sorte de raisons, dont :

- créer un logement à moindre coût ;
- créer un environnement adapté aux souhaits et besoins particuliers de l'individu et de sa famille, élaborer un style architectural et de vie plus personnel ;
- vivre dans une maison qu'on ne serait pas en mesure de s'offrir sur le marché « libre » ;
- éthiques centrées sur la recherche d’autonomie, une volonté de sortir du système marchand. Souvent, l'autoconstructeur est également habité par une démarche de réappropriation de techniques et de savoir-faire simples : en ce cas, les principes de construction et de fonctionnement de l'habitat font appel à des techniques simples et pratiques, réalisables et réparables par l'habitant ;
- éthiques, centrées sur l’écologie, le respect de la nature et le souhait de recycler et réutiliser des matériaux, etc. Avec une approche de type haute qualité environnementale, les options architecturales et techniques retenues peuvent être très poussées et innovantes, faisant appel à des technologies de pointe. »[2]

Le schéma populiste

Pour ajouter une nouvelle dimension à cette stratégie, nous ferons ici l’hypothèse d’une dynamique sociale qui pourrait émerger du processus constituant. Celle-ci viendrait radicaliser le débat démocratique, malgré l'apparence initiale de consensus et de discussion  sereine. Il s’agit de replacer le débat sur une logique jusqu’ici ignorée, en présentant l’assemblée constituante comme un grand rassemblement du 99% contre le 1%, et non comme une lutte statique entre fédéralistes et souverainistes. Le débat opposerait alors la démocratie à l’oligarchie, le processus d’autodétermination au bloc au pouvoir. Ce « schéma populiste » vise à former une majorité populaire contre l’élite politique et économique en minimisant l’antagonisme souverainisme/fédéralisme pour forger un consensus national autour de l’assemblée constituante comme sortie de la crise sociale.

Par ailleurs, le fait de pouvoir rédiger un projet de constitution original pour un État indépendant permettrait au camp souverainiste de constituer un front républicain ou populaire, celui-ci militant non seulement contre l’État fédéral, mais pour la création d’une République libre et démocratique. Les fédéralistes pourraient alors être associés aux adeptes du monarchisme constitutionnel et du parlementarisme britannique, du gouvernement des juges, de la corruption, etc. Ce recadrage idéologique serait provoqué par le fait qu’on ne parlerait plus seulement du rapport entre deux États (fédéral et provincial), mais de la remise en question des institutions politiques à tous les niveaux, tant au Parlement canadien qu’à l’Assemblée nationale du Québec. Le vieux débat entre souverainistes et fédéralistes serait alors transformé, opposant maintenant ceux et celles qui militent pour la République du Québec, puis le front conservateur qui souhaite préserver une structure étatique archaïque, le statu quo, un système politique centralisé auquel plus personne ne croit de toute façon.

On aurait deux options lors du référendum : démocratie réelle, ou pseudo-démocratie. La puissance intellectuelle et morale d’une telle stratégie permettrait de consolider une véritable hégémonie pour le projet de pays, qui serait alors articulé dans une chaîne d’équivalences, c’est-à-dire un réseau de significations associées qui permettent de cristalliser une vision du monde et une volonté collective : souveraineté populaire = démocratie véritable = processus constituant = indépendance = République du Québec. Le fait de recadrer la question nationale sur la démocratie radicale constitue le cœur de la stratégie de la révolution citoyenne, qui ancre le drapeau sur le carré rouge en offrant au rêve du printemps québécois sa pleine puissance institutionnelle. Elle fait reposer l’indépendance nationale sur l’autogouvernement populaire, la décentralisation, le pouvoir citoyen qui vise à renverser l’oligarchie, les banquiers, la classe politique corrompue, l’État pétrolier, les institutions héritées du colonialisme, etc.

Un autre avantage de cette approche est que l’assemblée constituante est actuellement la position dominante du mouvement souverainiste en reconfiguration, comme l’atteste le Conseil de la souveraineté qui mise sur la souveraineté populaire et la démarche constituante. La récente montée de l’idéologie républicaine chez les intellectuels souverainistes, malgré le fait qu’elle reste en partie enfermée dans le schème du nationalisme classique, serait très probablement partie prenante de la stratégie du double mandat, car elle pourrait alors faire valoir son discours contre le camp fédéraliste et anti-républicain. Or, ce serait ici la gauche radicale, partisane de la démocratie, l’égalité, le pouvoir citoyen, l’autogouvernement populaire, la critique des inégalités sociales et des élites économiques, qui serait en position hégémonique sur la question nationale. Il s’agit donc de construire un nationalisme authentiquement populaire et émancipateur, en rupture avec le nationalisme bourgeois et politically correct qui est aujourd’hui vieilli et discrédité par la majorité.

Et un tirage au sort avec ça ?

Un autre moyen de renforcer le caractère « populaire » de la démarche constituante est de remplacer le suffrage universel cher à la démocratie représentative par un tirage au sort. Cette idée proposée par Roméo Bouchard dans son livre « Constituer le Québec » est tout à fait pertinente pour la stratégie indépendantiste, tant du point de vue de la légitimité que de l’efficacité. Le sociologue et politiste français Yves Sintomer, que j’ai eu la chance de rencontrer à Paris, aborda largement cette question dans son livre Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative (2007). Le tirage au sort est trop souvent ignoré par la gauche et les adeptes de la démocratie radicale, alors qu’il représentait une composante cruciale de la démocratie athénienne qui structurait la vie politique aux côtés des principes de délibération, de participation et de représentation.

Par ailleurs, il faut rappeler avec Jacques Rancière que la démocratie est fondée sur l’égalité des compétences, le postulat d’une égalité des intelligences, c’est-à-dire le « gouvernement de n’importe qui ». Cela ne veut pas dire que tout le monde est également intelligent en tout point, mais que chacun et chacune possède la capacité de réfléchir, de délibérer, de critiquer, de proposer des idées et de participer de manière significative aux décisions collectives qui affectent sa vie, en tant qu’individu ou membre de la communauté politique. Une fois que nous reconnaissons ce principe démocratique qui fonde l’idéal de la souveraineté populaire et le conditionne, nous pouvons sans problème accepter que les membres de l’assemblée constituante qui seront chargés de rédiger la future constitution du Québec soient tirés au sort, à la manière de l’assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin de la Colombie-Britannique, formée en 2004. « Il s’agissait d’une assemblée indépendante et non partisane composée de citoyens qui se sont réunis afin d’examiner le système électoral de la province. L’Assemblée comptait 160 membres, soit 80 femmes et autant d’hommes. Deux d’entre eux étaient des Autochtones, tandis que les autres représentaient chacune des 79 circonscriptions électorales de la Colombie-Britannique. Ces membres ont été choisis au hasard sur une liste de noms reflétant la composition de la population de la Colombie Britannique sur les plans du sexe, de l’âge et de la répartition géographique. »[3]

Si nous tenons compte que Québec solidaire souhaite que l’assemblée constituante jouisse d’une bonne représentativité, afin d’inclure les minorités culturelles et des personnes issues de différents milieux socio-économiques, il serait incohérent de miser sur le suffrage universel qui favorise les personnes éduquées, riches et privilégiées qui jouissent d’importants réseaux de contacts. Une démarche constituante qui se base sur la souveraineté populaire et la démocratie participative ne peut pas être fondée sur le principe structurant du gouvernement représentatif qui sélectionne une aristocratie élective par un concours de popularité. L’autonomie de l’assemblée constituante à l’égard des politiciens recyclés, carriéristes et militants des partis politiques serait également garantie par une méthode de sélection aléatoire.

De plus, cette stratégie parvient à combiner différentes formes de légitimité démocratique et de types de citoyens : le « citoyen ordinaire » par le tirage au sort, le « citoyen mobilisé » par le processus de consultation qui aura lieu partout au Québec, puis la totalité des citoyens lors du référendum. Nous avons alors une combinaison de démocratie délibérative, participative et directe dans un même processus constituant, qui inclut les avantages de chaque modalité en donnant une puissance maximale à ce dispositif.

L’ajout d’une proposition de révision du programme en faveur d’une assemblée citoyenne tirée au sort permettrait de « pimper » la stratégie constituante, de lui donner davantage de crédibilité populaire, de donner le goût du pays en montrant que n’importe qui peut participer directement à son élaboration. Pour répondre à l’objection classique que le tirage au sort ne peut pas garantir la compétence des personnes sélectionnées aléatoirement concernant les questions techniques et juridiques relatives à la rédaction d’une constitution, il faut préciser un élément important du débat entre savoirs professionnels et profanes, experts et savoirs citoyens. Tout comme l’assemblée tirée au sort de la Colombie-Britannique, les membres de l’assemblée constituante du Québec seront accompagnés d’experts pour les informer correctement et veiller aux révisions légales sur des sujets complexes, comme le font les avocats et juristes à l’Assemblée nationale. Mais ce sont les membres constituants, par l’interaction constante avec les assemblées régionales et les processus de délibération qui auront cours dans la société civile, qui auront l’autorité de décider des orientations des projets de constitution. De plus, comme le citoyen ordinaire est choisi pour seulement un mandat et n'a pas forcément d'intérêts à défendre, il sera peut-être même plus compétent et impartial qu’un membre de la classe politique mû par ses intérêts particuliers et sa volonté de gouverner.

En précisant sa démarche constituante et en la rendant plus lisible à la population, Québec solidaire pourra augmenter sa crédibilité et faire des gains importants, en forgeant un sujet politique apte à gouverner, qui ne doit pas être le parti mais le peuple lui-même dans son processus d’émancipation sociale et nationale. L’assemblée constituante n’est pas l’instrument d’un parti pour prendre le pouvoir, mais un jury citoyen à grande échelle qui permettra au peuple de se donner de nouvelles institutions et de développer sa capacité à s’auto-gouverner. Comme le dit Alexis de Tocqueville, « ainsi le jury, qui est le moyen le plus énergique de faire régner le peuple, est aussi le moyen le plus efficace de lui apprendre à régner ».

Commentaires

  1. Beurk! Cette stratégie de double constitution n'est que de l'électoralisme de bas-étage. Vous vous plaisez vous-même à répéter que l'élection d'un gouvernement solidaire et la mise en place de la constituante ne pourrait être que le résultat d'une vaste mobilisation populaire, voir d'une «révolution citoyenne». Dans de telles circonstances où la population seraient mobilisée et radicalisée (ce qui est absolument nécessaire pour la réussite d'une telle entreprise), à quoi bon proposer une «sortie de crise» mitoyenne, qui ne ferait qu'offrir une planche de salut aux modérés et réactionnaires de tout genres? Nous n'avons pas affaire à la gestion d'une garderie ici mais à la lutte des classes; est-ce vraiment avec ce genre d'approche que Québec Solidaire espère démontrer son sérieux à mener la lutte contre l'impérialisme canadien et américain (sans parler du capitalisme...)? Il ne suffit pas pour une organisation politique d'avoir la meilleure stratégie et les meilleures idées, mais bien d'être en mesure de montrer aux gens qu'au bout du tunnel la victoire est à porté (c'est ce qui a fait la différence -on ne le souligne pas assez- durant la grève de 2012: la CLASSE a été en mesure de développer un discours à travers perçait la détermination d'être victorieux et victorieuses). Est-ce avec ce genre de génuflexion mobiliser et donner espoir à qui que ce soit? On s'enfonce plutôt un peu plus dans le modèle calinours qui a déjà montré son inefficacité. Je soupçonne plutôt cette nouvelle «stratégie» (que n'aurait pas renié Lévesque et Morin) de servir uniquement à éviter l'éclatement peut-être inévitable du parti. Pourtant, vos derniers textes illustrent bien qu'en ces heures de grands chambardements, il est plus urgent de construire des alternatives politiques innovantes, combatives et populaires que des structures sorties d'un autre âge.

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  2. Électoralisme de bas étage? Il s'agit de convaincre une majorité populaire d'amorcer une rupture avec le régime constitutionnel canadien, en se basant explicitement sur le principe de souveraineté populaire qui doit se manifester dans la forme même de l'assemblée constituante. Pourquoi est-ce que cette stratégie offrirait une "planche de salut" aux modérés et réactionnaires? Il faudrait que l'assemblée constituante soit exclusivement composée de révolutionnaires et de socialistes? Si le projet de constitution est ensuite soumis à la population par référendum, il y a des bonnes chances qu'elle soit tout simplement rejeter. Faut-il l'imposer alors par la force, l'Assemblée nationale ayant le devoir d'instaurer un nouvel État et la dictature du prolétariat? On retombe dans le léninisme de bas étage. Le tirage au sort, même s'il risque de sélectionner des gens "modérés", a l'avantage de permettre une délibération et une transformation du point de vue des acteurs, comme le montrent certaines expériences de sondages délibératifs aux États-Unis où plusieurs citoyens qui étaient contre l'avortement, pour la peine de mort, etc., avaient changé d'idées après trois jours de réflexion. Je ne comprends donc pas pourquoi il s'agit d'une "génuflexion", ni d'une stratégie calinours, car nous pouvons sortir justement d'une position consensualiste pour montrer clairement l'objectif du processus constituant.

    L'assemblée constituante telle que présentée est-elle une structure sortie d'un autre âge, alors que les expériences de ce type se sont multipliés à différents endroits dans le monde depuis les années 2000, en Amérique latine et en Islande notamment? S'il s'agit d'un dispositif de deuxième génération, nous pourrions même essayer de l'améliorer davantage pour le mettre au goût du jour. À mon sens, le tirage au sort est un élément incontournable de la stratégie indépendantiste, qui ouvre la voie à une transformation sociale plus large ; la lutte de classes traversera la société à ce moment là de toute façon.

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  3. Électoralisme de bas-étage: À quoi sert donc cette seconde option de «constitution provinciale» sinon à transformer la constituante en une espèce de stratégie étapiste qui vise à rallier les fédéralistes et modérés, leur laissant un nouvel espace pour s’organiser et préparer une contre-attaque (la proposition de constituante telle qu’elle est présentée actuellement à au moins le mérite de laisser libre-jeu aux citoyen-ne-s, y comprit de «tasser» la tentation du renouvellement du fédéralisme, ce qui n’est pas le cas avec cette seconde option qui d’emblée donne à nos adversaire un nouvel espace pour sévir)?
    Toute la force de la stratégie constituante là où elle a été mise en place c’est qu’elle signifiait d’emblée une rupture avec l’ordre établi; y participer signifiait de donc rompre avec l’ancienne constitution qui était construite pour satisfaire les classes dominantes. Celles-ci ont d’ailleurs partout tenter de déstabiliser le processus constituant tout en décridibilisant ses travaux.
    Je ne critiquais pas ici l’idée du tirage au sort qui est absolument excellente, mais bien celle de la double constitution qui donnerait trop d’espace à nos adversaires pour venir perturber et faire dévier le débat. Les modérés (bon le mot était mal choisi, j’aurais dû dire socio-libéraux, fédéralistes asymétriques, les ami-e-s du NPD ou quelque-chose du genre) et réactionnaires auront beau jeu de mettre toute la gomme pour faire adopter la constitution provinciale qui n’aurait absolument pas de porté révolutionnaire (et qui scellerait en fait la soumission du Québec au Canada) mais qui pourrait facilement passer comme telle dans la mesure où elle serait le résultat de la «souveraineté populaire». Alors que si on a le choix entre un Québec transformé et libre et un Québec dans le statu quo, le choix sera claire et net.
    Structure sortie d’un autre âge: Je ne parlais pas de la constituante ni du tirage au sort, mais bien de la structure du parti politique traditionnel, à l’occurrence ici de Québec solidaire. Il semble que ce parti déploie des efforts incroyable pour rallier «fédéralistes progressistes» (c’est un peu antinomique, mais bon) et indépendantistes, socio-démocrates BCBG et militant-e-s pour une véritable transformation sociale (qu’ils et elles soient réformistes ou révolutionnaires). C’est évidemment le clivage Option citoyenne-UFP qui remonte à la surface. Cette contradiction doit être mise de côté si ce parti veut être en bonne posture pour participer à la mobilisation lors des crises sociales qui, on l’espère, se profilent à l’horizon et prendre le pouvoir. C’est ce que Podemos a démontré en Espagne comme vous l’avez vous-même souligner: ce parti a connu une croissance rapide et a rattrapper Izquerdia Unida car il a su non-seulement parler de, mais incarner une rupture avec l’ordre établi. Je vois mal comment QS dont même la proposition la plus intéressante (la constituante) est affectée dans sa forme par ses tiraillements, hésitations et oui génuflexions pourrait incarner ce genre de volonté de rupture.

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  4. Sondage après sondage, il apparaît que qu’il y a environ 40% de la population québécoise qui voterait pour un parti progressiste et indépendantiste et un processus de transformation sociale. C’est sur cette base que QS (ou un autre parti) devra s’appuyer et mobiliser pour prendre le pouvoir. Ensuite le processus constituant –si il vise et seulement dans à cette condition à dessiner les contours d’un Québec libre et transformé- ouvira un nouvel espace où le reste de la population potentiellement «convaincable» pourra s’inscrire et être mobilisée, alors que les forces réactionnaires n’auront d’autre choix que de s’exlcure du processus sous peine de le légitimer. Permettre aux forces de la réactions de s’inscrire dans la constituante ne ferait qu’arracher ce symbole du renouveau démocratique des mains de la population en lutte pour en faire un outil neutre et institutionnel. De plus, si l’on pense vraiment que l’indépendance ne va pas sans le socialisme et vice-versa, il faut être en mesure de l’affirmer et de l’incarner y compris dans nos stratégie. Ouvir la voie à une alternative (constitution québécoise), c’est laisser croire que celle-ci est possible, ce qui est faux.

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  5. Jonathan, tu veux rendre le projet de Constituante plus « lisible », mais tu l'emberlificotes complètement, surtout avec ta perle: double question!

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  6. Je suis aussi très d'accord avec Anton lorsqu'il dit qu'il faut « piéger » les provincialistes. Si on annonce d'emblée que la Constituante s'attellera à l'indépendance, ils devront choisir entre y participer ou pas. S'ils ne participent pas, ils se disqualifient. S'ils participent, ils légitiment le processus.

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