Le municipalisme solidaire : démocratiser la ville par le pouvoir citoyen

Justice sociale, citoyenneté et société civile

Dans un contexte de crise écologique, économique et politique sans précédent, la question de la transformation du mode de développement devient une question centrale pour toute personne concernée par la justice sociale, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale. Si la justice sociale présuppose un accès égal pour tous et toutes aux ressources matérielles et sociales nécessaires à la réalisation d’une vie épanouie, cette conception peut être élargie pour analyser et critiquer les inégalités relatives à l’accès à l’espace (justice spatiale), à l’environnement (justice environnementale), et aux conditions d’existence des générations futures (durabilité). Mais la question de la distribution équitable des ressources (justice distributive) ne saurait être complète sans réfléchir au contrôle démocratique de celles-ci (justice procédurale ou politique). La démocratie ne doit pas ici se limiter au droit de vote et aux libertés formelles accordées par l’État, mais inclure la capacité pour chacun et chacune de pouvoir participer de manière significative aux décisions collectives qui affectent sa vie en tant qu’individu et/ou membre d’une communauté. Une démocratie vivante ne peut fonctionner dans un monde traversé par de profondes inégalités, et une réforme radicale dans la distribution des ressources ne peut advenir sans une participation majeure des gens dans les affaires publiques. Cette conception large de la justice, définissant les contours d’un égalitarisme démocratique radical[1], servira d’idéal normatif pour repenser la construction d’une ville juste et écologique par le biais du pouvoir citoyen.

La citoyenneté est un concept controversé et multidimensionnel, qui peut renvoyer tant aux droits qu’aux devoirs d’un.e membre d’une communauté politique, qu’à un statut juridique ou une activité pratique visant la transformation de la société. La figure du citoyen a profondément changé à travers l’histoire ; entre le citoyen athénien qui prend part aux décisions de la cité, la citoyenneté romaine attribuée à n’importe quel individu appartenant à l’Empire, et la citoyenneté moderne intimement liée à l’existence de l’État-nation et les institutions de la démocratie libérale, il y a de profondes mutations qu’il est impossible d’expliquer ici. Par ailleurs, la citoyenneté fut souvent limitée à la sphère politique, ignorant par le fait même les profondes inégalités sociales et l’incapacité de participer aux décisions collectives dans la sphère économique. Comme le rappelle Jean Jaurès, « la Révolution a fait les Français rois dans la cité, mais les a laissé serfs dans l'entreprise ». C’est pourquoi il est essentiel de définir davantage le champ de la citoyenneté, ainsi que ses interactions complexes avec les sphères politique et économique.

Intuitivement, nous pouvons situer l’exercice de la citoyenneté dans l’espace complexe de la société civile, celle-ci étant définie comme une sphère d’interactions sociales où les individus et les groupes forment volontairement des associations pour diverses raisons. Certaines d’entre elles sont organisées de manière formelle avec des membres et objectifs précis, comme les clubs, partis politiques, syndicats, églises, associations de quartier, etc. D’autres associations sont de nature plus informelle, à la manière de réseaux sociaux ou de la communauté. Cette sphère associative se distingue de l’État, qui représente un ensemble d’institutions capables d’imposer des lois et des règles contraignantes sur un territoire, que ce soit par l’appareil juridique, législatif et administratif possédant le monopole légitime de la violence. Or, il serait trompeur de se limiter à la distinction État/société civile, la première étant associée au domaine public et à l’universel, la seconde à la sphère privée, particulière et volontaire. Cette conception binaire a contribué à confondre la société civile et la sphère économique, constituée par les activités permettant de produire et de distribuer des biens et services, l’économie capitaliste étant composée majoritairement d’entreprises privées et d’activités coordonnées par le marché. Cette opposition rigide entre l’économie et le politique, le marché et l’État, le privé et le public, l’infrastructure et la superstructure, a contribué à marginaliser la société civile en tant que vecteur de démocratisation par la délibération au sein de l’espace public, les mouvements sociaux, les associations, les initiatives citoyennes, etc. Ces diverses composantes de la société civile ne se laissent réduire ni à la rationalité administrative, ni à la logique marchande.

Trois formes de pouvoir citoyen

La société civile ou la sphère citoyenne ne doit pas être conçue comme un simple espace d'activité, de sociabilité et de communication, mais aussi comme un lieu de pouvoir réel. Le pouvoir citoyen repose sur la capacité des gens à se mobiliser pour des actions collectives, volontaires et coopératives. Cela renvoie à l’auto-organisation et au renforcement des capacités d’action des classes subalternes et populaires à l’extérieur des institutions. Le terme « empowerment » est généralement utilisé pour qualifié un processus d’apprentissage et d’acquisition du pouvoir d’agir par les individus et les communautés pour qu’ils puissent reprendre contrôle sur leur vie. Or, l’empowerment est une notion vague qui comporte de multiples interprétations, et peut donc facilement être reprise par la logique néolibérale qui met l’accent sur la « gestion de la pauvreté » par le développement du capital humain, de l’entreprenariat privé et des capacités individuelles afin de permettre aux gens de s’adapter à l’économie de marché.

Une autre conception de l’empowerment, plus largement répandue au sein de la population québécoise, vise une conciliation de la société civile, de l’État et du marché par la bonne gouvernance. Cette perspective social-libérale valorise la modernisation de l’administration publique, la communauté, le capital social, l’égalité des opportunités, la responsabilité, l’entreprenariat social, la citoyenneté et la participation[2]. Nous avons ici affaire à un modèle progressiste qui favorise l’auto-organisation de la communauté et des citoyen.e.s, mais dans une perspective d’harmonisation entre le pouvoir économique, associatif et politique qui ignore souvent l’asymétrie rapports de force et les intérêts contradictoires entre ces différents acteurs. Tout se passe comme si nous avions affaire à un dialogue entre partenaires égaux, alors que les élites économiques et politiques continuent dans les faits à exercer un pouvoir à travers leur discours, leur statut social et leur influence à l’extérieur de la sphère de la discussion. Le social-libéralisme accepte les règles du cadre dominant et cherche plutôt à intégrer les acteurs qui seraient exclus par sa dynamique ; la participation est alors synonyme d’inclusion, et non de transformation sociale. « Ce modèle social-libéral peut prendre en compte les conditions socioéconomiques et politiques de l’exercice du pouvoir, sans pour autant interroger structurellement les inégalités sociales. […] Dans ce modèle, l’empowerment prend place dans une chaîne d’équivalences aux côtés des notions d’égalité, d’opportunités, de lutte contre la pauvreté, de bonne gouvernance, d’autonomisation et de capacité de choix. »[3]

Il est nécessaire de développer une perspective critique du pouvoir citoyen, une conception radicale de l’empowerment, permettant de renouveler le potentiel émancipateur présent à l’origine de ce mouvement. « Le modèle radical est nourri des théories de transformation sociale comme celles de Paulo Freire, de la branche la plus radicale du mouvement féministe ou d’une partie des mouvements communautaires. Dans cette optique, les enjeux de l’empowerment sont la reconnaissance des groupes pour mettre fin à leur stigmatisation, l’autodétermination, la redistribution des ressources et les droits politiques. L’objectif d’émancipation individuelle et collective débouche sur un projet de transformation sociale qui, dans les approches les plus radicales, repose sur une remise en question du système capitaliste. Schématiquement, cette conception de l’empowerment prend sens dans une chaîne d’équivalences qui lie les notions de justice, de redistribution, de changement social, de conscientisation et de pouvoir, celui-ci étant exercé par ceux d’« en bas ». »[4]

Philosophie de l’émancipation, critique du capitalisme et socialisme par le bas

Le développement d’un véritable pouvoir citoyen, c’est-à-dire d’un empowerment radical visant l’émancipation sociale, comporte deux principales dimensions. La première, de nature théorique et spéculative, implique une analyse des rapports de pouvoir au sein de société afin de dégager un projet politique, une alternative globale au système économique dominant. Cette théorie critique suppose que plusieurs formes de souffrance et de déficits dans l’épanouissement des individus et des communautés ne sont pas simplement le fait de la nature humaine ou de causes psychologiques, mais le résultat d’institutions et de structures sociales qui peuvent être transformées. Une philosophie de l’émancipation doit inclure : 1) la définition de principes moraux comme la justice sociale entendue au sens d’un égalitarisme démocratique radical; 2) l’utilisation de ces critères normatifs pour diagnostiquer et critiquer les institutions existantes; 3) la description des alternatives viables permettant de dépasser le système actuel; 4) l’élaboration d’une stratégie visant à réaliser ces alternatives. La question stratégique représente le deuxième aspect du pouvoir citoyen, la dimension pratique qui permettra d’organiser la société civile afin qu’elle puisse amorcer une réelle transition sociale et écologique à l’intérieur d’un projet politique émancipateur.

Comme il n’est pas possible de faire ici une critique systématique de l’ensemble des modes de domination en termes de race, genre, orientation sexuelle, ethnicité, handicap physique ou de classe, nous nous limiterons à la considération du système économique à l’origine de nombreux maux actuels : le capitalisme. Cette structure économique, définie par la propriété privée des moyens de production et la coordination des activités économiques par le marché, contrôle non seulement les investissements, la production et la distribution des biens et services, mais exerce une domination sur l’État et la société civile. Le pouvoir dominant est exercé par ceux qui contrôlent les principales ressources économiques, ainsi que la logique marchande qui s’impose à l’ensemble des secteurs de la société en modifiant les rapports humains à son avantage. Selon le philosophe et sociologue Erik Olin Wright, le capitalisme perpétue des formes de souffrance non nécessaires, entrave l’universalisation des conditions matérielles de l’épanouissement humain, entraîne des déficits en matière de liberté individuelle et d’autonomie, viole les principes de justice sociale, favorise la marchandisation des valeurs communes, alimente le militarisme et l’impérialisme, érode la communauté, détruit l’environnement et limite drastiquement la démocratie[5].

Néanmoins, même si nous pouvons répéter ad nauseam une critique des dérives néolibérales et proposer des réformes pour assurer plus de justice sociale, la majorité de la population ne croit plus qu’il existe une alternative crédible au système capitaliste. Avant l’effondrement de l’URSS, tant les adeptes que les critiques du communisme d’État pouvaient au moins admettre qu’il existait un autre modèle d’organisation sociale au capitalisme libéral. Maintenant que ce rêve est effondré, le mouvement altermondialiste continue de critiquer la logique de TINA (there is no alternative) et d’affirmer qu’« un autre monde possible », sans toutefois arriver à proposer un projet d’ensemble qui soit capable d’unifier les luttes sociales et de fournir un critère sur la manière de transformer les institutions. Il existe bel et bien de multiples initiatives citoyennes, expérimentations collectives et « utopies concrètes » qui permettent déjà de préfigurer un autre type de société, mais il faut encore élaborer un cadre général afin de les inscrire dans la durée et libérer leur plein potentiel.

Si nous revenons au début de l’exposé, nous avions proposé que le développement du pouvoir citoyen résidait dans la reconstruction de la société civile pour contrer la domination de l’État et du marché. Il s’agit de renforcer le pouvoir citoyen sur les institutions politiques et économiques afin que celles-ci soient subordonnées à la délibération démocratique permettant de définir des normes sociales et écologiques. Ce projet social, politique et économique est nul autre que le socialisme, bien qu’il faille distinguer soigneusement cette alternative démocratique aux expériences historiques inégales, autoritaires, et souvent catastrophiques qui se sont réclamées du marxisme et du socialisme révolutionnaire au XXe siècle. Celles-ci représentent en fait un « socialisme par le haut », visant l’abolition de la propriété privée et du marché par la propriété étatique des moyens de production et la planification centralisée de l’État.

Cette structure sociale caractérise en fait une forme d’étatisme, car le pouvoir dominant était détenu par le Parti unique qui contrôlait l’appareil politique de répression et d’organisation économique. L’autre principale alternative au communisme d’État, la social-démocratie, représente quant à elle une forme douce d’étatisme, car l’économie de marché est contrebalancée par des entreprises publiques et une régulation de l’État, qui lui-même est contrôlé partiellement par les citoyen.ne.s à travers les canaux limités de la démocratie représentative. Le pouvoir citoyen ne s’exercice ni directement dans l’entreprise, ni directement dans les assemblées publiques, et faiblement dans l’espace public dominé par les grands médias, la propagande gouvernementale, la publicité, etc. La crise de légitimité des institutions politiques, la faible croissance économique, les contradictions de l’État-providence et le triomphe de l’idéologie néolibérale font en sorte que la social-démocratie ne représente plus une alternative crédible au capitalisme, mais simplement une gestion douce de l’austérité qui nous attend.

À l’inverse, le pouvoir citoyen permet de repenser les contours d’un « socialisme par le bas », issu de l’auto-organisation de la société civile. Autrement dit, le socialisme caractérise un type de société (qui n’a jamais encore existé) dans lequel les citoyens et citoyennes auraient la préséance sur la gestion de la sphère politique et économique. Dans son sens politique, la démocratie peut être conçue comme la subordination du pouvoir étatique au pouvoir citoyen. L’expression du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ne signifie donc pas le gouvernement par des élites choisies périodiquement par l’agrégation de préférences individuelles, mais le gouvernement du peuple collectivement organisé sous diverses formes : partis, syndicats, coopératives, organisations citoyennes, associations de quartier, etc. « La démocratie est donc, en soi, un principe profondément socialiste. Si démocratie est le nom donné à la subordination du pouvoir étatique au pouvoir [citoyen], socialisme est celui de la subordination du pouvoir économique au pouvoir [citoyen]. »[6]

Le commun

Sur le plan économique, le socialisme implique la propriété sociale des moyens de production, l’allocation et l’usage des ressources étant effectué par le pouvoir citoyen au sein de la société civile. La propriété sociale doit être distinguée de la nationalisation (qui renvoie plutôt à la propriété étatique), car elle désigne une « mise en commun » de ressources et une élaboration démocratique des règles d’usage par ceux et celles qui participent à la gestion de ce bien. « Qu’y a-t-il de commun entre une coopérative de solidarité, un potager partagé, un collectif de hackers ou une communauté autochtone gérant une forêt ? Tous agissent et coopèrent avec leurs pairs, de manière auto-organisée, pour satisfaire leurs besoins essentiels »[7]. Ces pratiques semblent dégager un paradigme distinct de la rationalité économique du marché et de la logique administrative de l’État, par des initiatives fédérées autour du principe du « commun ».

Selon les philosophes Pierre Dardot et Christian Laval, « la revendication du commun a d’abord été porté à l’existence par les luttes sociales et culturelles contre l’ordre capitaliste et l’État entrepreneurial. Terme central de l’alternative au néolibéralisme, le « commun » est devenu le principe effectif des combats et des mouvements qui, depuis deux décennies, ont résisté à la dynamique du capital et ont donné lieu à des formes d’action et de discours originales. Loin d’être une pure invention conceptuelle, il est la formule des mouvements et des courants de pensée qui entendent s’opposer à la tendance majeure de notre époque : l’extension de la propriété privée à toutes les sphères de la société, de la culture et du vivant. En ce sens, ce terme de « commun » désigne non la résurgence d’une Idée communiste éternelle, mais l’émergence d’une façon nouvelle de contester le capitalisme, voire d’envisager son dépassement. »[8]

Dans son livre Un million de révolutions tranquilles. Comment les citoyens changent le monde, Bénédicte Manier explore le vaste terrain des alternatives qui fleurissent un peu partout dans le monde. Une attention particulière au vocabulaire des initiatives citoyennes permet de dégager des airs de famille entre la relocalisation, la coopération, l’écologie, la gestion collective des ressources naturelles, l’économie alternative, les réseaux d’entraide, l’habitat, l’alimentation, l’autogestion et la démocratie participative : redécouverte des savoir-faire locaux, cogestion démocratique de l’eau en Inde, autogestion du patrimoine naturel en Amérique latine, récupération d’usines en Argentine, économie sociale et solidaire, AMAP, systèmes d’échanges locaux, monnaies complémentaires, ateliers de vélos, réseau d’échanges de savoirs, villes en transition, agriculture urbaine, fiducies foncières, réseau coopératif d’énergies vertes, coopératives d’habitation, auto-construction, etc.[9]

La municipalité comme levier de transformation sociale

Un élément récurrent à travers les multiples exemples frappe aux yeux : toutes ces alternatives désirables, viables et atteignables ne renvoient pas d’abord à l’échelle nationale de l’État, mais à l’échelle locale et municipale. Ces expérimentations s’inscrivent dans un territoire, une communauté, un tissu associatif, bref une société civile innovante qui permet de répondre directement aux besoins face aux défaillances du marché et de l’État qui n’arrive plus à protéger la société des ravages du capitalisme. La municipalité, que ce soit en milieu urbain (la ville) ou en milieu rural (le village), joue un rôle important en tant que cadre spatial, social, politique et économique du pouvoir citoyen. Il ne s’agit pas pour autant de dire que la ville est intrinsèquement bonne et que l’État est nécessairement mauvais, mais l’émergence d’initiatives ne vient pas d’abord de l’exercice du pouvoir politique qui échappe trop souvent au contrôle démocratique et favorise systématiquement les intérêts économiques. Il y a des élites au niveau local, les grandes villes sont le lieu d’importantes inégalités sociales et d’exclusion ; la corruption des maires, le faible degré de politisation, la dévitalisation des villages, tout cela témoigne que la municipalité n’est pas d’emblée un espace d’émancipation. Tout reste à faire. Une théorie critique doit chercher à libérer les potentialités qui restent inhibées par l'état actuel des choses, à mettre en évidence le contraste entre ce qui a déjà existé, ce qui pourrait être, et ce qui nie ce devenir.

Le municipalisme solidaire représente une synthèse de différentes tendances politiques (décroissance conviviale, écologie politique, socialisme municipal, municipalisme libertaire, gauche solidaire) qui visent une transformation sociale par la démocratisation radicale des institutions politiques et économiques. Le terrain privilégié de cette stratégie est la municipalité, car elle est probablement la seule institution qui reste à la portée du pouvoir citoyen. De plus, elle constitue un laboratoire pour de nouvelles pratiques sociales, et permet d’amorcer une transition écologique sans attendre l’aval des autorités étatiques et des élites économiques qui consolident trop souvent le modèle de développement productiviste et pétrolifère issu du XIXe et XXe siècle. Contrairement à la social-démocratie, au communisme d’État ou à l’anarcho-syndicalisme qui mettent tous l’accent sur l’unification du prolétariat à travers les institutions parlementaires, le parti révolutionnaire ou l’auto-organisation de la classe ouvrière, le municipalisme solidaire déplace le foyer du lieu ou l’on travaille, l’usine, vers le lieu où l’on vit, la communauté.

Il ne s’agit pas ici de nier la réalité de l’exploitation dans l’entreprise, ni d’écarter la nécessité de libérer la sphère du travail du joug du capital, mais d’insister sur le potentiel émancipateur de la société civile et du pouvoir citoyen dans le milieu de vie, espace qui fut trop souvent négligé par les anciennes formes de socialisme. Murray Bookchin souligne ainsi les dérives potentiellement autoritaires et productivistes associées au marxisme qui privilégia l’analyse économique (infrastructure) au détriment de la sphère associative et politique (superstructure). « Si l’usine, et plus généralement au cours de l’histoire, le lieu de travail, ont constitué le théâtre principal de l’exploitation, ils ont aussi été celui de la hiérarchie, et ceci conjointement avec la famille patriarcale. Ce n’est pas à « unir » et à organiser le prolétariat en vue des changements qu’a servi l’usine, mais à le dresser aux réflexes de la subordination, de l’obéissance, et du labeur abrutissant. Comme tout ce qui est opprimé dans la société, le prolétariat ne reprend vie que quand il ôte ses habits industriels pour s’adonner librement à la communication, c’est-à-dire au processus vivant qui donne un sens au mot communauté. »[10]

Éléments d’un programme politique

Pour revenir à la question du pouvoir citoyen et des alternatives au système capitaliste, quelles sont les institutions qui pourraient être mises de l’avant dans un projet politique ayant pour cœur la municipalité ? Sur le plan politique, il est possible d’envisager la création de conseils de quartiers avec un véritable pouvoir décisionnel, à la manière des town meetings de la Nouvelle-Angleterre qui permettaient une délibération collective des habitants et habitantes sur des questions aussi diverses que l’environnement, les loisirs, le budget, le zonage, l’aménagement urbain, le développement économique et social, etc. Les conseils d’arrondissement pourraient être transformées en véritables assemblées populaires, en actualisant ainsi le principe d’autogouvernement local qui apparu à divers moments de l’histoire.

« Un des atouts majeurs de l’approche du [municipalisme solidaire] est qu’elle peut invoquer en sa faveur des traditions vécues pour légitimer ses prétentions : et ces traditions, toutes fragmentaires et déchirées qu’elles soient, n’en représentent pas moins encore une potentialité de politique participative à une échelle capable de menacer l’État. Enfouie dans l’actuel conseil municipal il y a encore la Commune, sous le quartier les sections, sous la municipalité les assemblées municipales et sous les réseaux régionaux de villes et de cités il y a encore enfouies les formes confédérales d’association municipale. Ce n’est pas être prisonnier de la tradition que de se réapproprier un passé qui peut encore vivre et que l’on peut refaçonner pour l’adapter à des fins libératrices ; au contraire, en faisant cela nous cherchons à ramener au grand jour ces buts associatifs spécifiquement humains qui traversent les âges au fond de l’esprit de l’homme comme le besoin de la communauté pour elle-même et qui n’ont cessé de refaire surface par le passé. Ces buts restent présents comme des espoirs morts-nés que les humains de toutes les époques retrouvèrent en eux-mêmes et qui réapparaissent au grand jour dans les moments inspirés de l’histoire, quand les gens agissent et se libèrent de l’oppression. »[11]

Sur le plan de la propriété sociale des terrains municipaux, qu’ils soient urbains ou ruraux, la création de fiducies foncières (land trusts) permettrait de retirer des espaces de la spéculation immobilière en confiant la gestion de ces lieux à des communautés composées de diverses personnes concernées et prêtes à bien administrer la fiducie en fonction de sa vocation. Celle-ci peut être de favoriser l’agriculture (fiducie agricole), de préserver un espace naturel (fiducie de conservation), de fournir du logement abordable (fiducie communautaire), etc. Ce type de communs fonciers, qui se différencie à la fois de la propriété privée et de la propriété étatique, est ce qui correspond le plus précisément à la gestion démocratique des usages du sol par le pouvoir citoyen. Les fiducies foncières communautaires de nouvelle génération permettent même d’hybrider plusieurs usages du sol, pour favoriser à la fois le logement abordable, l’agriculture urbaine, le développement de coopératives, etc.[12]

Sur le plan économique, le modèle de la coopérative de solidarité, qui comprend plusieurs types de membres (travailleurs, usagers, producteurs, membres de soutien, etc.), représente un exemple d’entreprise démocratique ancrée dans la société civile. La coopérative de solidarité favorise la relocalisation des activités économiques dans la ville, la revitalisation de collectivités territoriales rurales, le développement de capacités démocratiques et délibératives, la satisfaction des besoins de la communauté, la socialisation, l’émergence d’activités culturelles et d’« espaces publics de proximité ». Cette institution particulière de l’économie sociale et solidaire peut à son tour être dynamisée par une fiscalité favorable au niveau municipal, des monnaies locales et complémentaires, et d’autres incitatifs permettant d’encourager ces initiatives citoyennes dans une sphère largement dominée par l’économie capitaliste.

Par ailleurs, le municipalisme solidaire se distingue du socialisme libertaire au sens où il ne rejette pas complètement l’État, mais lui accorde une place secondaire et subordonnée au pouvoir citoyen. Si la logique de réciprocité de la société civile et de l’économie sociale et solidaire doit être systématiquement préférée à la logique de l’échange de la sphère marchande, la sphère associative peut et doit être renforcée par un principe de redistribution qui permet à l’État local et/ou national d’assurer des services publics et des ressources nécessaires à l’émergence et à la consolidation d’initiatives citoyennes. Par exemple, la coordination de transports collectifs sur un espace métropolitain ne peut pas être assumée entièrement à l’échelle du quartier et de conseils autogérés, et il en va de même pour d’autres services publics comme la santé, l’éducation, la sécurité sociale, etc.

Cela ne veut pas dire pour autant que ceux-ci doivent être dirigés exclusivement par la logique administrative et exclure le pouvoir citoyen dans la gestion locale. Les services publics doivent être gérés démocratiquement par le pouvoir citoyen afin qu’ils puissent devenir, malgré leur propriété étatique, des communs. « Si « Commune » est le nom de l’autogouvernement politique local et « communs » le nom des objets de nature très diverse pris en charge par l’activité collective des individus, « commun » est proprement le nom du principe qui anime cette activité et qui préside en même temps à la construction de cette forme d’autogouvernement. »[13]

Une nouvelle stratégie pour la gauche solidaire

Le municipalisme solidaire reproche à la gauche étatiste de se concentrer exclusivement sur la conquête du pouvoir d’État par les élections nationales. Québec solidaire, même s’il se définit comme un parti des urnes et de la rue, s’enracine dans les mouvements sociaux afin de porter leurs revendications dans les institutions parlementaires. Il incarne ainsi une approche étatiste, oscillant entre la social-démocratie et le socialisme d’État, qui laisse une place réelle mais secondaire à la sphère associative dans l’organisation de la vie politique et économique. Comme le rappelle Marcel Mauss qui était un fervent défenseur du socialisme coopératif : « il faudra donc cesser de répéter que la prise du pouvoir politique est la panacée des maux. […] Les bolchéviks, marxistes romantiques, […] ont été trop esclaves de la doctrine ancienne ; ils ont cru que le pouvoir politique, la loi, le décret, pourvu que ce fût eux qui les promulguassent, pouvaient forger la société nouvelle. »[14]

Évidemment, il ne faut pas abandonner complètement la sphère politique et électorale aux élites politiques et économiques qui profitent de leur influence pour défendre leurs intérêts au détriment du pouvoir citoyen. Il est nécessaire d’éviter le piège du repli local et de l’apolitisme omniprésent dans les nouveaux mouvements sociaux et les conceptions non critiques de la société civile, tout en trouvant un équilibre entre la lutte électorale, la contestation populaire et le développement d’alternatives concrètes et conviviales qui permettent de préfigurer une société postcapitaliste. Le municipalisme solidaire cherche un tel équilibre en s’inspirant de la figure de Paul Brousse, militant anarchiste reconverti au socialisme municipal en s’opposant au marxisme orthodoxe et révolutionnaire de Jules Guesdes. Brousse reprochait aux guesdistes de négliger l’échelle municipale en prônant l’idée de « la Révolution ou rien » par la conquête du pouvoir d’État. À l’inverse, le « possibilisme » de Brousse représente une sorte de socialisme réformiste qui considère que la construction d’une alternative sociale par étapes successives doit passer à la fois sur le plan national (par la loi) et municipal, notamment par la décentralisation des services publics. Ainsi, il considère qu’il faut « abandonner le tout à la fois qui généralement aboutit au rien du tout, fractionner le but idéal en plusieurs étapes sérieuses, immédiatiser en quelque sorte quelques-unes de nos revendications pour les rendre enfin possibles ».

La question électorale représente l’un des principaux débats au sein de la gauche radicale, car elle représente le « degré d’étatisme » qu’une tendance politique est prête à supporter. Tandis que le courant anarchiste refuse généralement toute participation électorale à toutes les échelles de gouvernement, le municipalisme libertaire de Bookchin distingue soigneusement la municipalité (lieu potentiel de l’autogouvernement) et l’État (foncièrement centralisateur). Il admet alors la nécessité stratégique de participer aux élections locales pour décentraliser le pouvoir en assemblées populaires, tout en refusant catégoriquement toute participation aux élections nationales. Le municipalisme solidaire, de son côté, considère qu’il n’y a pas une différence de nature ou essentielle entre l’État local et national, mais une différence de degré quant à la possibilité de démocratiser et décentraliser le pouvoir afin qu’il soit contrôlé par les citoyen.nes. Cette perspective admet donc la possibilité de participer aux élections municipales et nationales de manière non-électoraliste, tout en subordonnant la lutte électorale au développement du pouvoir citoyen et à la transformation des institutions à l’échelle locale.

Ce pragmatisme est partagé notamment par les adeptes de la Décroissance conviviale, qui revendique une sorte d’éco-socialisme décentralisé à la manière du municipalisme solidaire. « Participer à des élections de manière non-électoraliste consiste à instrumentaliser les élections pour ce qu’elles représentent comme opportunité de faire entrer [le municipalisme solidaire] dans le débat public. De même, elles permettent la rencontre au niveau local de [citoyennes et citoyens] et ainsi de faire vivre des groupes locaux. Cette stratégie protège aussi du piège électoraliste : ne pas avoir à adapter le discours dans le seul but d’obtenir un score suffisant permettant de bénéficier du financement public ou permettant d’avoir des élus. Ceci dit, les [municipalistes solidaires] ne sont pas opposés à avoir des élus, qui pourraient expérimenter à l’échelle locale certaines alternatives concrètes. »[15]

Élargir les urnes, bâtir la rue

La stratégie proposée peut être résumée par la formule suivante : « élargir les urnes, reconstruire la rue ». Il s’agit d’étendre la signification des « urnes » et de la « rue » au-delà de leurs limites habituelles, afin de redonner à ces idées leur pleine puissance et d’élargir la sphère de l’action politique. Tout d’abord, élargir les urnes consiste à dépasser l’étatisme relatif au primat de l’Assemblée nationale en envisageant toutes les institutions où il est possible de poser sa candidature afin de participer directement au pouvoir décisionnel. Dans un document fort instructif intitulé Au cœur du pouvoir[16], le Conseil du statut de la femme du Québec propose de découvrir pas moins de 25 lieux décisionnels que les femmes pourraient investir pour augmenter leur présence et leur visibilité. Il en va de même pour toutes les minorités sous-représentées dans la sphère du pouvoir, que ce soit les classes populaires, jeunes, autochtones, aînés, membres de la diversité culturelle, ainsi que les idées de la gauche qui sont souvent absentes ou écartées par une logique gestionnaire.

Au-delà de l’assemblée législative qui demeure la principale sphère de pouvoir, les urnes concernent autant le développement régional (conférence régionale des élus), le monde municipal, l’emploi et l’économie (centre local de développement, caisses populaires Desjardins), l’éducation (commissions scolaires), et la santé (centre de santé et de services sociaux). L’appui de candidatures progressistes dans ces institutions publiques n’a jamais fait partie d’une action concertée ou d’une stratégie consciente de la gauche. Il serait utile, afin d’éviter l’opportunisme, l’électoralisme et d’assurer une certaine cohérence dans l’investissement de ces lieux de pouvoir, de réfléchir collectivement aux différentes manières de politiser ces institutions et de diffuser un contre-discours capable de faire rayonner la gauche, de montrer qu’elle est capable d’administrer efficacement diverses organisations, et d’apporter d’importantes réformes qu’elle pourra ensuite opérer à plus grande échelle lorsqu’elle sera à l’Assemblée nationale.

Cet élargissement des urnes doit être accompagné d’une reconstruction de la rue, qui ne se limite pas à l’espace de manifestation et de contestation des mouvements sociaux. La rue représente une sphère extra-institutionnelle, distincte de l’État et du marché. Elle rassemble différents contre-pouvoirs disséminés dans la société civile, comme les espaces publics alternatifs et le monde des initiatives citoyennes. Encore une fois, la rue n’est pas un domaine purement positif, mais un espace de tensions, de conflits, et même de luttes de classes, que ce soit au niveau économique, culturel et idéologique. C’est pourquoi il faut renoncer à une conception rose et consensuelle de la société civile inspirée par les travaux de la « nouvelle gestion publique » et la « bonne gouvernance », qui tentent de résorber les rapports de pouvoir par une rhétorique des bonnes pratiques, du partenariat, etc.[17] Par contre, il serait également absurde d’abandonner définitivement toute référence à la société civile sous prétexte que ce concept serait dévoyé par le discours dominant. À l’instar de Gramsci, toute stratégie visant la conquête du pouvoir politique doit d’abord être précédée d’une « guerre de position » visant la « direction morale et intellectuelle » de la société. « L'État est seulement une tranchée avancée derrière laquelle se trouve une chaîne solide de fortifications et de casemates », c’est-à-dire un réseau d’organisations civiles, syndicales, patronales, médiatiques et culturelles.

Le municipalisme solidaire privilégie deux principales voies pour bâtir la rue au niveau local. D’une part, il est nécessaire d’élaborer une cartographie des alternatives concrètes, des expérimentations sociales, des communs, des initiatives citoyennes qui changent déjà le monde à leur échelle. Il s’agit de montrer qu’une foule d’acteurs et d’organisations sont déjà solidaires sans même le savoir, et construisent actuellement une nouvelle société dans les interstices de l’ancienne. Un site web prenant comme exemple le Tour de France des alternatives, sur la route des utopies concrètes[18], pourrait rassembler des textes, images, vidéos et témoignages qui permettent de visualiser et de donner chair au projet solidaire sur l’ensemble du territoire québécois. La « Grande traversée des alternatives » serait une plateforme interactive capable de réseauter des initiatives disparates en un ensemble politique cohérent, sans être pour autant être attaché directement à un parti politique. L’autonomie citoyenne serait ainsi préservée, tout en montrant que les alternatives forment un tout plus grand que la somme de ses parties. Les Manifestes en série et le film République : un abécédaire populaire du cinéaste Hugo Latulippe forment déjà, sur le plan cinématographique, l’esquisse d’un nouvel imaginaire, d’une conscience citoyenne élargie, qu’il s’agit maintenant d’incarner par l’articulation d’un réseau virtuel et de la vie concrète.

Au-delà de cette stratégie médiatique, la deuxième façon de construire un pouvoir citoyen dans la rue consiste à devenir soi-même citoyen.ne. On rejoint ainsi la question de l’empowerment radical évoqué précédemment, en remplaçant l’idée de « l’établissement en usine » des marxistes-léninistes des années 1970 par l’implication active dans les quartiers et le développement de contre-pouvoirs à l’échelle municipale. Il s’agit en fait d’organiser des comités citoyens et des contre-pouvoirs locaux en s’inspirant des pratiques du « community organizing », notamment de la méthode élaborée par Saul Alinsky dans son livre Rules for radicals (1971). Cette stratégie permet de recadrer l’action politique afin de sortir du climat d’apathie et de passivité en soutenant l’auto-organisation des classes moyennes et populaires. Le but n’est pas « de diriger des luttes, mais de stimuler leur essor, d’accompagner la création d’organisations populaires, les plus autogérées, indépendantes et radicales possibles vis-à-vis des pouvoirs publics, des propriétaires et des patrons. »[19]

La première tâche consiste à s’intégrer progressivement à la vie d’un quartier, de fréquenter de lieux publics, d’engager des discussions, d’observer attentivement et de tisser des liens amicaux afin de déchiffrer les préoccupations, intérêts, aspirations des différents acteurs en présence. Ensuite, il s’agit de faire émerger collectivement les problèmes locaux en permettant aux habitant.es de se rencontrer, d’exprimer leurs exaspérations, de partager leurs expériences,  d’esquisser des pistes de solutions et des perspectives d’action concrètes. Ensuite, il faut organiser une première lutte qui pourra être remportée facilement pour permettent de redonner confiance aux gens dans leurs capacités d’action. « Dans la pensée de Saul Alinsky, la recherche du pouvoir populaire est centrale : quand des personnes se sentent impuissantes, quand elles ne voient pas comment changer le cours des choses, elles ont tendance à se détourner des problèmes, à se replier sur elles-mêmes, à s’enfermer dans le fatalisme et l’indifférence. A l’inverse, quand des personnes ont du pouvoir, quand elles ont le sentiment qu’elles peuvent modifier leurs conditions de vie, elles commencent à s’intéresser aux changements possibles, à s’ouvrir au monde, à se projeter dans l’avenir. « Le pouvoir d’abord, le programme ensuite ! » est l’une des devises récurrentes de Rules for radicals. »[20]

Après les premières victoires, le but est d’encourager et d’accompagner la création de comités citoyens permanents afin d’élargir et d’intensifier les mobilisations locales. En formulant des revendications claires et crédibles, en imaginant de nouvelles stratégies, en jouant avec les limites de la légalité sans prêter le flanc à la répression policière (l’action directe non-violente étant une tactique privilégiée), il est possible de recréer graduellement une dynamique d’émancipation et le renforcement du pouvoir citoyen. Encore une fois, il ne s’agit pas de prendre la tête des luttes d’un quartier, mais d’assurer l’autonomie des comités citoyens et d’exercice d’une véritable souveraineté populaire, les organisateurs devant transmettre leurs savoir-faire et se rendre inutiles avec le temps. Le community organizing, lorsqu’il est lié à un projet politique émancipateur, permet de consolider le pouvoir citoyen qui sera nécessaire à une stratégie plus large de transformation sociale et au fonctionnement de nouvelles institutions politiques et économiques pleinement démocratiques.

La lutte pour l’hégémonie, la guerre de position comme l’appelle Gramsci, ne doit donc pas se limiter à la sphère médiatique, mais embrasser l’ensemble des organismes de la société civile et des institutions publiques en-deçà du Parlement et de l’administration centrale. Il s’agit d’investir les quartiers, les villages et les villes par la création de contre-pouvoirs, et de présenter des candidatures de gauche dans les multiples lieux de pouvoir afin de préparer la révolution solidaire à venir en apportant des changements substantiels ici et maintenant. « Le « socialisme pratique » ne s’oppose pas au projet politique du parti, il en prépare la réalisation par l’« ébauche du droit futur » […] Marx et Proudhon semblent pouvoir se réconcilier dans la double synthèse sociologique et socialiste : aux coopératives, mutuelles et syndicats, la tâche de « supprimer tous les jours un peu de capitalisme » ; au parti, celle de préparer la révolution. »[21]


[1] Erik Olin Wright, Envisioning Real Utopias, Verso, 2010, London, p.12
[2] Marie-Hélène Bacqué, Carole Biewener, L’empowerment, une pratique émancipatrice, La Découverte, Paris, 2014, p.141
[3] Ibid., p.16
[4] Ibid., p.15-16
[5] Erik Olin Wright, Envisioning Real Utopias, Verso, London, 2010, pp.34-85
[6] Erik Olin Wright, En quête d’une boussole de l’émancipation. Vers une alternative socialiste, Contretemps, 2012 http://www.contretemps.eu/interventions/en-quête-dune-boussole-émancipation-vers-alternative-socialiste-0
[7] Olivier Petitjean, « Les biens communs nous offrent davantage de liberté et de pouvoir que ne le font l’État et le marché », Basta !, 23 avril 2014. http://www.bastamag.net/Les-communs-nous-offrent-davantage
[8] Pierre Dardot, Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La découverte, Paris, 2014, p.16
[9] Bénédicte Manier, Un million de révolutions tranquilles. Comment les citoyens changent le monde, Les Liens qui Libèrent, Paris, 2012
[10] Murray Bookchin, Pour un municipalisme libertaire, p.11
[11] Ibid., p.32-33
[12] Greg Rosenberg, Jeffrey Yuen, Beyond Housing:
Urban Agriculture and Commercial Development by Community Land Trusts, Lincoln Institute of Land Policy, 2012
[13] Commun, p. 12
[14] Marcel Mauss, « Appréciation sociologique du bolchévisme », dans Écrits politiques, Fayard, Paris, 1997, p.555
[15] Vincent Liegy et al., Un projet de décroissance. Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie, Utopia, Paris, 2013, p.32
[16] Conseil du statut de la femme, Au cœur du pouvoir. 25 lieux décisionnels à découvrir, mars 2013
[17] Alain Denault, Gouvernance. Le management totalitaire, Lux, Montréal, 2013
[19] « La méthode Alinsky », La Traverse. La revue des renseignements généreux, no. 1, été 2010, p.27
[20] Ibid., p.28
[21] Commun, p.398

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