jeudi 13 novembre 2014

La Grande Bifurcation du mouvement souverainiste

La course à la chefferie du Parti québécois aura un impact considérable sur l’avenir du mouvement souverainiste et de la gauche québécoise dans les prochaines années. Les six candidat(e)s à la course peuvent être répartis grossièrement en deux catégories : 1) le camp « progressiste et indépendantiste » composé par Martine Ouellet, Alexandre Cloutier et Pierre Céré ; 2) le camp « conservateur et autonomiste » représenté par le tandem Bernard Drainville et Pierre Karl Péladeau, Jean-François Lisée se trouvant dans un no man’s land opportuniste caractéristique de sa « gauche efficace ».


En faisant l’hypothèse non controversée que PKP représente le principal candidat d’une approche « non-pressée », misant le redressement des finances publiques (austérité) et la défense de l’identité nationale (il appuie ouvertement la Charte de la laïcité et emploie l’expression de « souveraineté identitaire »), et que Cloutier arrive en tête du camp progressiste (suivie par Ouellet) en privilégiant les jeunes, la solidarité et le référendum dans un premier mandat, nous assisterons à une polarisation du débat entre ces deux camps.



Mais au-delà du débat des personnalités, il s’agit bien ici d’une alternative entre deux trajectoires historiques pour l’avenir politique du Québec. Cette Grande Bifurcation met en lumière deux mondes possibles, deux reconfigurations potentielles qui pourraient apparaître à l’intérieur du paysage politique. Il serait naïf d’évaluer la course à la chefferie du PQ en vase clos, car elle aura nécessairement de grandes conséquences sur les autres acteurs politiques (PLQ, CAQ, QS, ON) qui devront se positionner en fonction du résultat.



Sans préjuger pour l’instant de la probabilité relative de chaque scénario, imageons d’abord que le camp progressiste et indépendantiste l’emporte. Option nationale n’aurait plus sa raison d’être et se saborderait pour rejoindre le PQ et appuyer sa stratégie référendaire. L’espace public se recentrerait alors sur la question nationale, la polarisation entre souverainistes et fédéralistes revenant au premier plan. Or, la question sociale ne serait pas évacuée pour autant, car la tendance progressiste aurait légèrement le dessus au sein de la coalition « gauche/droite » du PQ, alors que la tendance néolibérale dominait depuis l’échec du deuxième référendum et l’arrivée de Lucien Bouchard.



Bien que nous pouvons invoquer le fait que le PQ clignote généralement à gauche lorsqu’il est dans l’opposition et en campagne électorale avant de virer à droite une fois au pouvoir, le situation de faiblesse historique du PQ, une leader plus progressiste que la moyenne et la promesse d’un référendum dans un premier mandat obligerait Québec solidaire à revoir sa stratégie. Cette situation ouvrirait la porte à une éventuelle entente électorale entre QS et le PQ, avec des conditions comme la réforme mode de scrutin, quelques réformes sociales et écologistes, puis un processus constituant et/ou référendaire.



À l’inverse, une victoire de PKP bloquerait automatiquement une telle entente, le camp autonomiste et conservateur continuant d’enfoncer le PQ dans un nationalisme de province qui ouvrirait plutôt la voie à une éventuelle alliance avec la CAQ. Ce scénario n’est pas à exclure étant donné que PKP irait chercher la base électorale de ce tiers parti en misant sur des promesses semblables (relancer l’économie d’abord pour ouvrir la question constitutionnelle ensuite), et en enterrant dans un premier mandat l’héritage « social-démocrate » et souverainiste du PQ.



Comme la victoire du camp conservateur est plus probable, il faut anticiper un retour de la question identitaire et la polarisation majorité/minorités, nationalisme/pluralisme. Cela nuirait évidemment à la question de la souveraineté, alors la poursuite des mesures d’austérité mènerait à la dégradation des conditions matérielles de la majorité sociale. Les forces progressistes et souverainistes qui adhéraient jadis au PQ seraient encore plus désillusionnées, mais n’iraient pas forcément rejoindre QS si celui-ci ne développe pas une stratégie offensive lui permettant de sortir de l’antagonisme pro/anti Charte qui favorise nettement le Parti libéral au pouvoir.



Voilà l’alternative qui obligera la gauche à prendre position. Dans le premier scénario d’un PQ « progressiste et indépendantiste », QS serait sans doute porté, pour faire des gains et contribuer à l'avancement du Québec sur le plan social et national, de nouer une « alliance de circonstance » avec le PQ pour constituer une sorte de « Front populaire », basé sur des réformes sociales, la sortie du pétrole, la réforme du mode de scrutin et le déclenchement d'un processus constituant et/ou référendaire. Cela conduirait au virage « social-démocrate » des deux partis, ce qui aurait l’inconvénient de rendre QS indiscernable du PQ dans l'espace public, mais l’avantage de favoriser une convergence nationale des forces progressistes et souverainistes.



Pour illustrer une telle configuration politique par analogie avec la situation écossaise, QS représenterait en quelque sorte un mixte entre le Scottish Socialist Party et les Scottish Greens, à côté du Scottish National Party majoritaire (PQ). Une campagne référendaire pluripartisane, décentralisée, progressiste et inclusive permettrait alors de relancer la marche vers l’indépendance avec un projet de société, ce qui pourrait éventuellement mener à la victoire. En prenant plutôt l’exemple de la Catalogne, QS prendrait la place de la gauche républicaine (ERC) à côté du parti nationaliste de centre droit (CiU) dans un gouvernement de coalition avec le PQ. Il s’agit évidemment d’un scénario qui suppose une forte ébullition sociale et une résurgence d’une lutte populaire pour la libération nationale.



Comme PKP risque très probablement de devenir le prochain dirigeant du PQ, en mettant de l’avant les « intérêts économiques » du Québec et une protection des référents identitaires découplée de tout véritable projet politique ou transformation des institutions, QS devra se démarquer par un projet de pays démocratique, égalitaire, écologique et inclusif basé sur la souveraineté populaire. Le seul moyen de sortir du débat pro/anti Charte est de créer un nouvel antagonisme. Il s’agit de mettre le PQ/PLQ/CAQ dans le même bateau de la « caste », et de présenter QS comme le seul porte-parole de l'unité populaire.



Il s’agit d’unir les luttes sociales contre l’austérité et le virage extractiviste par l’investissement subversif du discours « anti-corruption », à la manière d’Amir Khadir et du rapport de QS présenté à la Commission Charbonneau qui dénonce le « complot criminel » entre les firmes de génie-conseil et les politiciens et propose une réforme légale visant à briser l'impunité des élites. Populisme? Sans doute, mais au sens d'un républicanisme anti-élitiste ou d'une « machiavellian democracy » qui n'hésite pas à questionner l'absence de contrôles populaires sur le système politique. La refonte fondamentale de la démocratie représente le nerf de la guerre, et il n’y aura pas de rupture majeure tant que le peuple ne sera pas convaincu que l’action politique doit être le fruit de sa propre activité. Le pouvoir citoyen contre la caste, l’auto-émancipation populaire contre l’oligarchie sera l’antagonisme qui pourra condenser les multiples enjeux sociaux dans un même discours.



QS ne doit pas défendre la souveraineté dans sa forme vide ou un enjeu séparé, mais à l’aune d’un projet de transformation sociale qui devra aboutir à l'indépendance pour aller jusqu'au bout. Par ailleurs, la question constitutionnelle devra être contrôlée par les citoyens eux-mêmes ; c'est au peuple de décider de son avenir, et non à une petite élite politique de mener le débat public. Autrement dit, contre le « faux débat » de la Charte dirigé par la caste, QS propose un vrai débat populaire sur l'ensemble des questions cruciales qui touchent la vie concrète des gens : la forme du pouvoir politique, les droits sociaux, la gestion des ressources naturelles, le bien-vivre, l’usage du territoire, la décentralisation vers les régions, etc.


Voilà la stratégie que QS devra mettre de l'avant afin de sortir de l'éternelle opposition entre libéraux et péquistes, le bipartisme étant au service de la caste et du statu quo d’un régime illégitime. Comme PKP ira manger une partie de l’électorat de la CAQ (qui sera appelée à s’effondrer ou à s’allier au PQ autonomiste), QS pourra grossir ses rangs en prenant non seulement les forces de la rue (mouvements sociaux, forces citoyennes) mais les classes moyennes et populaires actuellement courtisées par la CAQ. Comme une majorité de personnes ne se reconnaissent pas directement dans les identités politiques de la gauche et la droite, QS pourra articuler son projet de société aux enjeux qui touchent de larges secteurs de la population : familles, CPE, développement local et régional, municipalités, régimes de retraite, etc.



En développant clairement l’antagonisme entre « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas », l’élite et la démocratie réelle, PKP pourra être identifié à la caste et l’austérité nationale. Si QS est capable de développer un discours contre-hégémonique sur l’inversion du fardeau fiscal, la transformation démocratique, la transition écologique et la souveraineté populaire, il pourra alors se présenter comme la seule alternative politique au système, et dépasser le populisme de la CAQ sur sa gauche avec une réelle force de frappe. Tel est le précepte de la Révolution citoyenne : ce n’est pas le peuple qui doit être subordonné à la caste politique, mais le pouvoir citoyen qui doit être au cœur des grands domaines de la vie sociale : répartition de la richesse, système politique, développement économique et débat constitutionnel.


Pour le meilleur et pour le pire, le scénario « social-démocrate » d’une convergence nationale découlant d’un virage progressiste et indépendantiste du PQ est fort peu probable. On assiste plutôt à une divergence croissante entre le système politique traditionnel et le peuple. Le PQ, comme la CAQ et les libéraux, vont continuer de nous enfoncer dans l'austérité, le virage pétrolier et la corruption, QS devant faire cavalier seul et devenir une force politique « anti-système » à la manière de Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce, les deux principaux mouvements de gauche radicale qui risquent de prendre le pouvoir en 2015. C'est le scénario du pire, mais c'est la pente sociohistorique sur laquelle nous sommes en train de glisser.

jeudi 6 novembre 2014

Pour en finir avec le mythe de la tarification progressive

L’argument de Jocelyn Maclure

Selon le professeur de philosophie Jocelyn Maclure, je serais un de ces « progressistes qui se réveillent la nuit pour haïr la tarification » [1]. Pour reprendre une expression philosophique difficilement traduisible en français : « I bite the bullet ». Autrement dit, j’accepte de tirer les conséquences ultimes de certaines croyances à l’origine de cette hostilité envers la tarification des services publics, tout en donnant une justification normative capable de répondre aux arguments de mon adversaire.

Celui-ci critique le « fétichisme de l'impôt progressif » et justifie la tarification progressive des services de garde en y voyant un signe d'équité, avalisant ainsi le principe général sous lequel s’opère actuellement la réforme du modèle québécois par le gouvernement libéral. Peu importe les modalités qui affectent cette mesure particulière, il s’agit ici de critiquer l’idée générale selon laquelle il serait raisonnable « d’augmenter modérément les impôts des membres du 10%, du 5% et du 1% les plus riches, et d’augmenter modérément les tarifs de certains services collectifs ». L’argument principal attribue le fardeau de la preuve à ceux qui refusent la tarification progressive (le principe de la « juste part » ou de l’utilisateur-payeur) en faveur d’un système fiscal principalement basé sur l’imposition progressive sur le revenu.

« Je n’ai toutefois pas encore trouvé l’explication et la justification de la proposition voulant que seule l’imposition progressive puisse favoriser l’égalité et la solidarité. La tarification progressive, après tout, fait payer les plus riches pour des services qu’ils désirent obtenir. S’il s’agit, par exemple, d’augmenter modérément le prix des places dans les CPE, les droits de scolarité ou les tarifs d’hydroélectricité pour les plus fortunés, nous demeurons loin d’une application intégrale du principe régressif de l’ « utilisateur-payeur ». Il s’agit plutôt de faire payer un peu plus le bénéficiaire d’un service public qui en a les moyens. […] Il faut éviter, lorsqu’il est question des politiques fiscales et de justice distributive, le sophisme du faux dilemme. Ce n’est pas parce que l’on pense que la tarification progressive doit être envisagée que l’on ne peut pas soutenir l’impôt progressif, la taxation du capital ou la lutte contre l’évasion fiscale. Il s’agit de se rapprocher de l’assortiment de mesures fiscales qui concilient le mieux équité, solidarité et efficience. » [2]

Pour renverser cette argumentation, il s’agit de montrer en quoi l’application de la tarification progressive nuit directement à l’équité, la solidarité et l’efficience, et que seul un système fiscal véritablement égalitaire permettrait d’assurer le financement de biens publics comme les services de garde, au contraire d’une « juste part » des parents fortunés. Tout d’abord, il est remarquable que l’argument invoqué pour justifier la réforme Couillard en matière des CPE soit le même qui fut utilisé par le gouvernement Charest qui affirmait que les étudiants allaient bénéficier davantage de leurs études universitaires que le reste des contribuables, et qu’ils devaient donc payer davantage pour leurs droits de scolarité. On rejette ainsi l’universalité et la (quasi-)gratuité des services publics en affirmant que les personnes sans enfants (et les entreprises) ne devraient pas contribuer au financement des CPE, car ils n’en bénéficient pas « autant » que les familles directement concernées.

« Lorsque l’on défend la position qu’il est préférable d’ajouter des paliers d’imposition plutôt que de moduler les tarifs en fonction des revenus, on dit que ceux qui, par exemple, n’ont pas d’enfants doivent financer à la même hauteur les services de garde que les parents qui en bénéficient. Je suis parfaitement d’accord avec l’idée que ceux qui n’ont pas d’enfants bénéficient du fait que certains de leurs concitoyens ont des enfants, mais ils n’en bénéficient quand même pas autant que les parents qui, comme moi, ont des enfants en CPE. Ce principe est d’ailleurs déjà à l’œuvre. Après tout, les places en CPE ne sont pas gratuites. Les progressistes qui s’opposent à la tarification progressive considèrent-ils qu’il ne devrait pas y avoir de tarif du tout ou que 7$/jour est le montant maximal qu’il faut demander aux familles? Il se peut que quelque chose m’échappe. »

Juste part ou solidarité sociale ?

En effet, si on généralise cet argument, il faudrait en dire autant pour le système de santé ou les services de protection contre les incendies, la plupart des gens en santé finançant des systèmes coûteux pour des personnes malades et des maisons qui brûlent accidentellement, alors que ceux-ci n’en bénéficient pas autant, du moins actuellement. Cette perspective va à l’encontre des principes mêmes de l’État-providence ; tout comme la réforme de la loi sur les retraites cherche à inverser le rapport de force entre le capital et le travail, la Commission sur la fiscalité et la révision des programmes sociaux vise à passer au hachoir les principes universels d’assurance et de solidarité sociale, qui peuvent recevoir plusieurs justifications. Dans son livre Refonder la solidarité (1995), Philippe Van Parijs distingue trois logiques distinctes quant à leurs présupposés, leurs modalités et leurs conséquences pratiques :

 « Le premier idéal est le modèle « bismarckien » : une logique d’assurance qui consiste pour des travailleurs à cotiser à un fonds commun qui leur permettra de faire face à la maladie, à l’accident ou au chômage involontaire qui viendrait les empêcher de travailler. Le deuxième est le modèle « bévéridgien » : mécanisme de solidarité, par lequel les titulaires de revenus du travail ou du capital cotisent pour leur garantir un niveau minimum de ressources au cas où ils ne l’atteindraient pas par leurs propres moyens. Enfin, le troisième modèle « painéen », à base qu’équité, les titulaires de tout revenu cotisent à un fonds qui sert à payer inconditionnellement à tout membre de la société un revenu uniforme, que l’auteur propose d’appeler allocation universelle. Il ne s’agit plus alors pour les plus chanceux de transférer une fraction de leurs ressources aux moins chanceux, mais de donner à chacun une part égale au patrimoine commun, au lieu de le laisser accaparer par ceux qui sont les mieux à même ou les plus avides d’en profiter.  » [3]

Pour revenir à la question des CPE qui correspond au modèle « bévéridgien » de financement des biens publics, il s’agit de savoir si la tarification progressive est compatible avec cette forme institutionnelle de solidarité sociale. En fait, la confusion fondamentale consiste à faire passer une politique familiale (tarif unique pour les services de garde comme moyen de garantir leur accessibilité) comme un mécanisme de redistribution, alors que le système d’imposition devrait être grandement rénové parce qu’il est aujourd’hui largement déficient du point de vue de l’égalité sociale et de l’efficacité. La tarification représente plutôt un outil économique permettant de calibrer les incitatifs et désincitatifs sur un domaine particulier de la vie sociale. Dans le cas des CPE, les femme sauront un incitatif à rester à la maison, et les couples devront réfléchir davantage au fait d’avoir un deuxième ou un troisième enfant, chacun ayant un « coût marginal » plus élevé à cause de la tarification progressive. À l’inverse, des services de garde gratuits et universellement accessibles incitent les femmes à retourner sur le marché du travail et contribuent directement à la réduction du coût marginal de chaque enfant supplémentaire. Comme le souligne l’économiste Jacques Généreux dans une entrevue à Médiapart où il commente la réforme de la politique familiale française (qui repose sur le même principe de la juste part) :

« Il faut éviter d’avoir des interventions fiscales ou économiques qui visent 36 000 objectifs à la fois. Cela est aussi un b.a.-ba de l’économie. Donc il ne faut pas vous servir d’un instrument à la fois pour un objectif de justice sociale et en l’occurrence de politique familiale. Si vous voulez maintenir l’incitation à l’enfance, il faut continuer d’envoyer ce message que la France est un pays qui, quelque soit votre condition, et bientôt votre sexe, ou votre revenu, fait tout pour aider les familles nombreuses. Maintenant vous voulez de la justice, on a un système fiscal juste. »[4]

Le problème avec l’idée qu’il faudrait « augmenter modérément (sic) les impôts des membres du 10%, du 5% et du 1% les plus riches, et augmenter modérément les tarifs de certains services collectifs », c’est que les deux mesures répondent à des objectifs différents et sont amalgamés sous une même catégorie. Cela laisse planer l’idée que l’augmentation des tarifs de garde pour les classes moyennes et aisées serait un bon moyen de « faire payer les riches ». Le gouvernement donne ainsi l’impression qu’il applique une réforme équitable alors que dans les faits, il augmente toujours plus le fardeau financier des contribuables au lieu d’aller chercher des revenus dans les institutions financières, les grandes fortunes et les ressources naturelles, invisibilisant ainsi les allègements fiscaux aux banques, aux industries extractives et aux firmes multinationales.

L’analyse de Jocelyn Maclure pèche par son abstraction : elle repose sur une perspective théorique qui étudie une mesure particulière en considérant que l’imposition progressive et la tarification progressive ne sont pas incompatibles a priori, tout en négligeant les conséquences pratiques d’une telle réforme d’un point de vue social. Cette analyse fait abstraction du système fiscal dans sa globalité et des stratégies de manipulation d’un gouvernement qui cherche à légitimer une mesure somme toute peu efficace et largement inéquitable. Le problème de la tarification progressive peut certes être envisagé d’un point de vue purement conceptuel, mais pour comprendre son fonctionnement réel, il faut toujours situer ce phénomène dans un contexte social, économique et politique dans lequel il aura de multiples effets. L’alternative entre un système fiscal juste et la tarification progressive n’est donc pas un faux dilemme, mais deux manières concurrentes d’envisager le financement des services publics, d’autant plus que le gouvernement libéral (ou péquiste ou caquiste) n’ira jamais taxer les plus riches. La question de la tarification des services publics comme les services de garde n’est pas un problème isolé, mais l’illustration pratique d’une logique globale qui détruit les conditions idéologiques et institutionnelles de la redistribution de la richesse. L’alternative est donc : tarification progressive qui défavorise les familles ou imposition réelle du 1% ; juste part ou solidarité sociale ?

« Alors si ce gouvernement voulait de la justice, au lieu de s’attaquer à l’aide au logement, aux allocations familiales, etc., il ferait bien de s’attaquer très sérieusement aux dizaines de milliards de niches fiscales qui ne servent à rien, qui ne servent qu’à engraisser les patrimoines financiers et mobiliers tirés des revenus du capital. Il ferait bien de re-réglementer la finance, car il ne faut pas oublier que si 100 milliards d’augmentation de notre dette publique depuis six ans sont dus à la crise financière et la crise économique qui s’en est suivie. Celles-ci sont dues au fait qu’on ne réglemente pas la finance et les produits toxiques. Alors vous voulez de l’argent, vous voulez faire des économies, bien qu’on commence par empêcher ou interdire cette spéculation. Arrêtons de payer 50 milliards d’intérêts sur la dette publique pour engraisser les banques alors que elles peuvent emprunter à 0% d’intérêt à la banque centrale. »[5]

Pour synthétiser les arguments précédents, voici pourquoi la tarification progressive des services de garde est une très mauvaise idée : 1) elle représente un piètre moyen de redistribuer la richesse, et ce n’est pas son but de toute façon ; 2) les services de garde représentent un bien public qui ne doit pas représenter un instrument de justice fiscale, mais une finalité sociale dont le financement doit reposer sur un système fiscal juste, ce qui est loin d’être le cas actuellement ; 3) la tarification progressive est contreproductive en tant que politique familiale, donnant un incitatif négatif au fait d’avoir des enfants ; 4) elle alourdit le fardeau fiscal de la majorité sociale alors qu’une minorité continue de profiter d’un système qui, à long terme, mène au démantèlement des mécanismes de solidarité de l’État social.

Pour une révolution fiscale

Toute justification portant l’accessibilité universelle (pouvant aller jusqu’à la gratuité) des services publics (éducation, santé, transports collectif, garderies, etc.) doit reposer sur un modèle fiscal juste et efficace. Si on n’arrive pas à remettre en question les causes structurelles qui minent la pérennité du modèle québécois, nous continuerons d’instaurer des demi-mesures, des réformettes ou d’autres tarifications progressives pour compenser les conséquences d’un système défectueux et inéquitable. Pour le discours dominant, englué dans le dogme de l’équilibre budgétaire, du déficit zéro, du courroux des agences de notation et de l’exode du capital, il est devenu impossible de financer adéquatement les services publics par un système d'impôts progressif. En faisant abstraction pour l’instant du mode de production capitaliste (basé sur la propriété privée et la prédominance du marché comme mécanisme de coordination des activités économiques et sociales), voyons comment il serait possible de refonder le système de répartition de la richesse afin de limiter les inégalités exorbitantes de notre époque. Nous faisons ici référence au principe républicain, somme toute assez simple et intuitif, d’une égalité sociale robuste (et non absolue), comme condition essentielle de la citoyenneté et de la liberté politique.

« J'ai déjà dit ce que c'est que la liberté civile: à l'égard de l'égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes; mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessus de toute violence, et ne s'exerce jamais qu'en vertu du rang et des  lois ; et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre : ce qui suppose, du côté des grands, modération de biens et de crédit, et, du côté des petits, modération d'avarice et de convoitise. Cette égalité, disent-ils, est une chimère de spéculation qui ne peut exister dans la pratique. Mais si l'abus est inévitable, s'ensuit-il qu'il ne faille pas au moins le régler? C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. »[6]

Voilà donc un argument élégant en faveur d’une législation fiscale nécessaire pour réaliser un certain degré de justice sociale. Il faut d’une part établir un revenu maximum afin « que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre », et d’autre part définir un revenu minimum afin que nul ne soit « assez pauvre pour être contraint de se vendre », sur le marché du travail notamment. Étrangement, l’impressionnante littérature sur l’allocation universelle et le modèle « painéen » fait abstraction des immenses revenus du capital, s’attardant ainsi à réformer le « filet social » sans tenir compte des limites à l’accumulation de la richesse par une minorité de fortunes et de firmes multinationales. Or, les nombreuses analyses portant sur les écarts de revenus grandissants au sein des entreprises mettent de l’avant la question de savoir s’il existe un ratio raisonnable à respecter, c’est-à-dire un seuil au-delà duquel les gains d’efficacité décroissants et les inégalités galopantes ne permettraient plus de justifier la rémunération du soi-disant mérite des grands dirigeants. Ce ratio devrait-il être de 1:5, 1:12, 1:30, 1:100 ? Comment éviter qu’il s’agisse d’un critère arbitraire, d’un « nombre d’or » magique qui serait la clé de voûte de la révolution fiscale ?

Mon collègue Gabriel Monette et moi avons eu l’idée d’articuler deux questions théoriques distinctes, deux champs d’investigation d’éthique économique et sociale actuellement séparés, qui devraient plutôt reposer sur un principe normatif commun. Pourquoi ne pas mettre ensemble les arguments en faveur de l’allocation universelle et du revenu maximum (ou d’une forte redistribution des revenus du capital) en établissant un rapport entre les deux ? Pourquoi ne pas réunir les réflexions de figures de proue comme Philippe Van Parijs et Thomas Piketty afin de refonder un système fiscal qui finance un revenu garanti pour tous grâce à un prélèvement majeur sur les grands patrimoines (institutions financières, revenus des grandes entreprises et du 1%) ? Bien que nous n’ayons pas encore formulé l’argumentation complète qui sera développée dans un article scientifique qui paraîtra ultérieurement, le ratio entre le revenu minimum et maximum devrait reposer sur le principe de l’utilité marginale décroissante.

L’utilité marginale d’un bien ou service est le bénéfice qu’un agent tirera de la consommation d’une quantité supplémentaire de ce bien ou service. Toute chose étant égale par ailleurs, une augmentation de revenu de 100$ par mois pour une personne sur l’aide sociale aura un impact considérable sur sa qualité de vie, tandis que l’ajout d’un million$ supplémentaire pour une personne gagnant déjà 10 millions$ par année n’augmentera pas son bonheur pour autant. Autrement dit, l’utilité marginale d’une certaine quantité de ressources matérielles et sociales (biens premiers ou capabilités) croît rapidement de 0 jusqu’à un certain point au-delà duquel elle se met à décroître progressivement. À l’inverse du système fiscal néolibéral ou capitaliste qui favorise actuellement l’accumulation exponentielle des revenus (ex), un système fiscal égalitaire, républicain et social reposerait une redistribution logarithmique de la richesse (lnx). C’est ce qu’on appelle l’inversion des priorités sociales en faveur du peuple, et non du capital.

Si les modalités d’un tel principe général restent à définir pour élaborer concrètement l’architecture institutionnelle du système fiscal québécois, nous pourrions donner l’exemple des dix paliers d’imposition qui permettraient de réduire les impôts de 87% des contribuables et d’augmenter les revenus de l’État d’un milliard$. Cette mesure fiscale, proposée par la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics et Québec solidaire notamment, suggère un plancher d’imposition à 15% pour les revenus de 12 000$ à 25 000$, et un plafond de 34% pour les revenus supérieurs à 200 000$[7]. Or, cette réforme propose une redistribution entre les strates les classes populaires et les classes moyennes supérieures, et non entre la majorité sociale et le 1%. Un système fiscal juste devrait plutôt garantir un revenu de 15 000$ pour tous les citoyens et un plafond d’imposition à 90% pour les revenus au-delà d’un millions$ par exemple.

Évidemment, l’inapplicabilité d’une telle « révolution fiscale » se pose directement dans le contexte québécois, compte tenu des limites du cadre constitutionnel canadien. Si la moitié des impôts sont prélevés par l’État fédéral et qu’il risque très probablement de ne pas aimer l’idée d’un revenu minimum et/ou maximum, il y a fort peu de chance que nous puissions un jour instaurer un système fiscal juste sans l’indépendance du Québec. Qui plus est, le financement et l’allocation d’un revenu garanti ne pourraient pas s’articuler adéquatement dans un système administratif bicéphale où les impôts et les programmes sociaux sont partagés inégalement entre deux paliers de gouvernement.

Si nous prenons enfin la question du revenu maximum qui donne un important incitatif à l’exode des grandes fortunes, cette mobilité du 1% serait facilitée dans le contexte canadien ; Guy Laliberté ou Pierre-Karl Péladeau pourraient facilement s’installer en Ontario ou au Nouveau-Brunswick pour éviter le fisc québécois par exemple. Bien qu’un État souverain limiterait cette possibilité, celle-ci demeurerait toujours présente, comme l’illustre l’exil de Gérard Depardieu en Russie pour fuir l’impôt à 75% pour les revenus au-delà d’un millions€. Nous pouvons alors recourir à un « patriotisme fiscal » basé sur la solidarité sociale, les très riches devant accepter la « modération de biens et de crédit » sans quoi ils risquent de subir l’ostracisme de la majorité populaire. La solidarité nationale serait alors basée sur l’adhésion aux conditions de l’égalité entre citoyens, tous devant accepter les termes d’un nouveau contrat social qui permettrait de financer adéquatement les services publics sans devoir passer par les tergiversations de la tarification progressive. Comme l’indique Jacques Généreux :

« La seule vraie justice fiscale si vous voulez, la manière la plus intelligente de l’établir, c’est d’avoir un système global fiscal qui est juste, c’est-à-dire un impôt sur le revenu qui ne représente pas des broutilles mais une part essentielle de l’imposition. Celui-ci doit être très progressif, partir de 0, puis 1%, 2%, etc., jusqu’à 100% pour des revenus exorbitants dont personne n’a besoin. Donc si vous avez un système fiscal juste, qui répartit équitablement la charge du financement des biens communs, ensuite vous pouvez avoir des biens publics qui soient accessibles à tous dans les mêmes conditions. Que vous soyez fils d’industriels ou fils d’ouvrier, vous avez un droit égal à l’école publique de la République; vous avez le droit d’être sauvé dans la rue par les pompiers gratuitement ; vous avez droit aux mêmes prestations que les autres ; vous avez droit à des allocations familiales parce que c’est un supplément de coût et on veut inciter les gens à faire des enfants. »[8] Telle est la perspective d’un républicanisme véritable, qui allie les principes du socialisme et de l’indépendance afin de garantir l’accès universel aux biens communs.

[1] Jocelyn Maclure, Impôt progressif vs tarification progressive: vers une démonstration plus étoffée?, A Canadian Public Affairs Blog, 31 mai 2014.
http://induecourse.ca/impot-progressif-vs-tarification-progressive-vers-une-demonstration-plus-etoffee/
[2] Ibid.
[3] Pierre-Olivier Monteil, « Clarifier les logiques de la solidarité », Autres Temps. Cahiers d’éthique sociale et politique, vol. 55, no. 55, 1997, p.100-101
[6] Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, II, XI, Flammarion, Paris, 2001, p.91-92
[7] Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics, 10 milliards$ de solutions, septembre 2014.
http://www.nonauxhausses.org/wp-content/uploads/DocmentCampagne-10-milliards_WEBseptembre2014.pdf

mardi 4 novembre 2014

Misères du régime politique

Le point aveugle de la gauche

La gauche a le défaut de ses qualités : critiquant à juste titre la rationalité néolibérale qui détourne les institutions publiques de leur finalité en favorisant la dissémination des valeurs de marché sur l’ensemble de la société, l’appauvrissement des classes moyennes et populaires et la concentration de la richesse dans les mains d’une minorité, la gauche s'oppose à ce phénomène en préconisant des politiques publiques interventionnistes et une meilleure redistribution de la richesse collective. Musclée dans sa critique de l’austérité, car soucieuse de la justice fiscale et sociale, elle reste beaucoup plus timide et malhabile quand vient le temps d’aborder la question constitutionnelle et la critique du système politique, car elle convoite précisément le pouvoir parlementaire pour établir ses réformes par la voie de la légalité démocratique. Autrement dit, sa perspicacité dans le domaine socioéconomique s’accompagne d’une myopie dans la compréhension de la nature et des limites du régime politique.

Le régime politique désigne la manière dont le pouvoir est organisé et exercé dans une communauté politique, c’est-à-dire la forme institutionnelle d’un État et les pratiques qui découlent de celle-ci. Quel est le fondement de l’autorité des gouvernants, quels sont les droits et les devoirs des citoyens, comment ceux-ci choisissent-ils leurs représentants et limitent-ils leur pouvoir ? Quelles différences y a-t-il entre un régime totalitaire, autoritaire, libéral, républicain, socialiste, etc. ? Pourquoi observe-t-on une désaffection grandissante de la population à l’égard des institutions et une perte de confiance envers les possibilités de la démocratie à l’heure où la corruption est toujours plus généralisée ? Comment un parti de gauche pourrait-il prendre le pouvoir dans un contexte où non seulement le discours de la gauche, mais l’existence même des partis politiques sont largement discrédités ? Est-il possible de réformer le système de l’intérieur et prétendre former un « bon gouvernement » responsable, tout en essayant de mettre en échec les règles du jeu économique ? Ces multiples questions relatives au régime politique ne touchent pas seulement le cadre dans lequel l’action politique de la gauche doit s’inscrire, mais son identité même, ses référents symboliques, son discours, son sujet collectif, sa stratégie et sa forme organisationnelle.

Il ne sera jamais possible de convaincre une majorité populaire de mettre fin aux politiques d’austérité si celle-ci ne croit pas à la capacité de l’action politique de changer quoi que ce soit. À l’heure où les élites édictent leur agenda et n’hésitent pas à recourir à tous les moyens de l’État (propagande, forces policières) pour réprimer toute dissidence citoyenne moindrement menaçante, à l’heure où une frange importante de la jeunesse radicalisée par le printemps québécois oppose toujours plus la démocratie directe et le gouvernement représentatif en répudiant toute forme d’action électorale, à l’heure où une bonne partie des classes moyennes et populaires confondent allègrement la Coalition Avenir Québec et Québec solidaire, parce que la distinction gauche/droite ne veut pas dire grand-chose dans l’imaginaire québécois, comment opérer un changement de fond qui pourrait changer les institutions pour de bon ?

La gauche n’a pas seulement à accompagner les mouvements sociaux dans la rue et attendre que les contestations citoyennes se transforment magiquement dans les urnes, car il n’y a pas de lien mécanique entre le mécontentement et l’adhésion à un projet de société. De plus, celui-ci ne peut être résumé dans une plateforme électorale, se comprendre par la lecture attentive d’un programme politique, ni consister en l’addition de thématiques particulières (dix paliers d’impositions, investissement dans les transports publics, réforme du mode de scrutin, etc.). Ce qu’il faut, ce n’est plus un programme, mais un nouveau récit, une reconflictuation de la situation politique qui puisse dégager dans la conscience populaire les grands antagonismes qui travaillent la société. Il faut un discours radicalement novateur qui va au-delà des revendications particulières de la société civile et dégage un ennemi commun. Ce qui fait peur au pouvoir économique et au régime politique, ce n’est pas le débat gauche/droite ; c’est la souveraineté populaire, l’organisation de ceux d’en bas contre ceux d’en haut, le pouvoir des gens contre les nantis, du peuple qui veut être libre contre les grands qui veulent dominer.

Qu’est-ce que la caste politique ?

La gauche ne pourra jamais triompher et espérer devenir la porte-parole du peuple si elle cherche à se tailler une place dans la classe politique. Son rôle n’est pas de représenter les exclus, les citoyens et la classe moyenne, mais de permettre aux gens de s’organiser eux-mêmes, et de se présenter eux-mêmes dans les institutions politiques qu’ils sont appelés à transformer pour exercer leur pouvoir directement. Pour l’instant, la nature du régime politique est farouchement hostile à tout pouvoir citoyen, à toute capacité du peuple à prendre part aux grandes décisions qui touchent la vie collective. Le peuple est exclu des institutions qui lui font face et exercent leur domination de l’extérieur, parce qu’il sent qu’il ne les a pas créées et se trouve par le fait même dépossédé de son pouvoir d’agir. Il n’est pas étonnant qu’une majorité soit indifférente au saccage des services publics, des institutions communes et des programmes sociaux dont elle se sent aliénée et étrangère. La réponse ici n’est pas de faire comme l’élite qui s’accommode très bien du démantèlement du modèle québécois, contre lequel elle a réussi à développer une haine dans l’imaginaire collectif, et qu’elle s’attache maintenant à détruire par coups de compressions budgétaires et de réformes. Au contraire, il s’agit de s’opposer directement à cette classe politique, à cette caste qui gouverne sans scrupules au profit des intérêts étrangers. Que faire ?

Tout d’abord, il faut favoriser l’auto-organisation populaire et générer un large mouvement qui déborde le cadre de l’action politique traditionnelle. Québec solidaire demeure un parti qui rassemble les forces de gauche et un certain pourcentage des électeurs progressistes qui se sentent interpellés par son projet. Il n’est pas à l’heure actuelle un véritable mouvement, et il ne pourra pas transformer une majorité sociale en majorité électorale s’il ne change pas la ligne de son discours politique. Le Québec ne deviendra pas « de gauche » du jour au lendemain, et il s’avère au mieux naïf, au pire dangereux de miser sur de supposées « valeurs progressistes » du peuple québécois, qui attendraient simplement d’être célébrées ou retrouvées pour changer l’ordre des choses. La question demeure surtout que le peuple n’a pas la capacité de se prononcer lui-même sur les valeurs qui l’animent, sur sa vision du système politique, sur le genre de société dans lequel il souhaite habiter. Tous les partis cherchent à lui faire dire ce qu’il pense vraiment, à lui mettre des slogans et des idées creuses dans la bouche durant la campagne électorale, alors que le gouvernement se fout éperdument de ce qu’il pense le reste du temps. Le peuple est méprisé non seulement par les élites financières et industrielles qui détruisent l’économie réelle et le territoire québécois, mais par la classe politique au grand complet qui ne le représente pas et lui ment à longueur d’année à travers des médias qui sont devenus des courroies de transmission des mots d’ordre du système (ce que nous nommons par euphémisme les relations publiques).

La seule façon de développer une majorité populaire dans un contexte d’austérité est de miser sur un discours anti-système, qui oppose le peuple à l’establishment, les gens aux politiciens bouffons et aux nantis, qui discutent à portes closes dans le club 357c[1], club privé des politiciens, élus municipaux, riches et entrepreneurs corrompus mentionnés dans la Commission Charbonneau. PQ, PLQ, CAQ, Lisée, PKP, Marceau, Legault, Beauchamp, Charest, Couillard, Desmarais, Fournier, Catania, Tomassi, toute cette mafia politicienne, cette clique de privilégiés qui se réunissent secrètement pour discuter des « vraies affaires » en privé, doit être pourfendue avec la même virulence que Pierre Falardeau dans Le temps des bouffons. Il faut ainsi dégager clairement cet antagonisme entre le peuple et le 1%, afin d’opposer une majorité aux partis dominants et éviter l’identification à des figures messianiques comme PKP sous prétexte qu’il serait « souverainiste ». PKP est un citoyen québécois, il a sa nationalité et le droit de faire de la politique, mais il ne fait pas partie du peuple au sens fort du terme. Il est un membre de la caste, de l’establishment, des élites économiques, politiques et médiatiques, au même titre que son parti, le PLQ et la CAQ qui aspirent tous à gouverner le peuple à sa place, à maintenir le régime politique en place afin de préserver leur pouvoir.

La crise du régime représentatif

Comment redonner le pouvoir au peuple sur sa destinée ? Au-delà d’une redistribution de la richesse et de la création d’emplois dans l’économie verte qui représentent des conditions importantes de l’égalité sociale et de la transition écologique, il faut dépasser la critique étroite et obsessionnelle du néolibéralisme (l’idéologie du capitalisme) et miser sur la critique systématique du régime politique. Comment celui-ci est-il constitué ? D’un État canadien qui ne reconnaît point la souveraineté du peuple. Il ne s’agit pas seulement de la nation québécoise, dont il reconnaît symboliquement l’existence dans le cadre fédéral actuel. Mais il s’agit du peuple canadien, québécois et des Premières Nations qui n’ont aucun pouvoir réel, car l’autorité reste la prérogative du Parlement. Nous vivons dans une monarchie constitutionnelle, soi-disant démocratique, qui ne laisse aucune place pour l’initiative populaire, la capacité pour le peuple de destituer ses élus en dehors du moment électoral. Ce problème ne concerne pas seulement l’État fédéral, mais l’État québécois qui reste prisonnier d’un système parlementaire hérité du régime britannique. Nos propres institutions sont profondément coloniales, elles ne sont pas démocratiques, car le gouvernement représentatif repose précisément sur l’exclusion a priori de la vraie démocratie, la participation citoyenne dotée de pouvoirs décisionnels.

Qui plus est, le Canada ne respecte même plus les principes minimaux du gouvernement représentatif (autre terme pour désigner l’État de droit ou la démocratie libérale). « Quatre principes ont toujours été observés dans les régimes représentatifs depuis que cette forme de gouvernement a été inventée :
1 – les gouvernants sont désignés par élection à intervalles réguliers.
2 – Les gouvernants conservent, dans leurs décisions, une certaine indépendance vis-à-vis des volontés des électeurs.
3 – Les gouvernés peuvent exprimer leurs opinions et leurs volontés politiques sans que celles-ci soient soumises au contrôle des gouvernants.
4 – Les décisions publiques sont soumises à l’épreuve de la discussion. »[2]

Le gouvernement canadien, depuis l’ère Harper, préserve les principes 1 et 2, soit l’élément démocratique (sélection des représentants au suffrage universel) et aristocratique (l’élection consiste à choisir les « meilleurs » décideurs qui auront le monopole des décisions durant l’ensemble de leur mandat, les gouvernés n’ayant aucun pouvoir réel). Pour ce qui est de 3, disons brièvement que le gouvernement canadien démantèle le principal média public (Radio-Canada), musèle les scientifiques, criminalise la contestation et mise sur une propagande massive, réduisant ainsi considérablement la sphère d’autonomie de la société civile et de l’opinion publique. Pour ce qui est de 4, il bafoue les règles parlementaires et la culture politique libérale avec des projets de lois mammouths, ne répond pas aux questions de l’opposition et fait donc abstraction de toute mise à l’épreuve des décisions de l’exécutif par la rationalité délibérative.

Malheureusement, l’héritage du gouvernement Harper ne disparaîtra pas spontanément par l’arrivée au pouvoir des libéraux ou des néo-démocrates, car il aura laissé de profondes séquelles sur la forme institutionnelle de l’État canadien. Autrement dit, nous sommes littéralement passés d’un régime représentatif à un régime autoritaire qui conserve le principe électif tout en amputant toute forme de délibération et de contre-pouvoir qui permet habituellement de limiter le pouvoir du gouvernement. Il ne s’agit pas ici de se limiter à la critique du conservatisme autoritaire au profit d’un retour grandiose à l’âge d’or du libéralisme multiculturaliste et des Casques bleus, car le régime représentatif lui-même évacue la souveraineté populaire et renforce le sentiment d’aliénation politique qui peut prendre différentes formes.

« En premier lieu, l’aliénation politique dans le temps résulte de la tension existant entre élections et décisions. Le mandat que les électeurs accordent au corps législatif s’étend sur une longue période pendant laquelle seront prises des décisions dont la nature et le contenu sont tout à fait inconnus au moment du vote, et sur lesquelles, par conséquent, les électeurs n’auront aucun contrôle ; ce problème est accentué par le « déficit de mémoire collective » qui résulte de l’action des médias et des stratégies de communication. En deuxième lieu, la dimension sociale du mécanisme d’aliénation est l’effet de ce qui peut apparaître comme un paradoxe : au fur et à mesure que la participation politique s’étend à des catégories plus larges et plus hétérogènes de la population, la classe politique des législateurs professionnels et des hauts fonctionnaires devient homogène du point de vue de sa formation et de son origine sociale, créant ainsi un hiatus croissant entre les citoyens et les politiciens. Enfin, et en relation étroite avec les deux modalités précédentes de l’aliénation, il se crée également une distance croissante entre le savoir, les valeurs et l’expérience quotidienne des citoyens ordinaires d’une part, et l’expertise des politiciens professionnels d’autre part. Ces divers aspects de l’aliénation politique peuvent engendrer deux effets aussi probables l’un que l’autre. Soit un comportement opportuniste et à courte vue des élites politiques qui ne se sentent plus obligées de se soumettre à des critères de rationalité politique et de responsabilité suffisamment exigeante. Soit une « déqualification » morale et politique de l’électorat et la diffusion d’attitudes cyniques à l’égard de la chose publique et de l’idée du bien public. Il n’est pas difficile de se rendre compte que ces deux effets, celui qui affecte l’élite et celui qui affecte les masses, sont susceptibles de se renforcer mutuellement. »[3]

La vérité populiste

Face à cette crise de légitimité de l’État, la gauche ne peut plus défendre le régime représentatif et militer simplement pour une réforme du mode de scrutin qui « laisserait en place les piliers de la maison », c’est-à-dire le monopole de la représentation et de l’élection comme unique moyen pour le peuple de gouverner. Qu’on le veuille ou non, nous sommes bien à l’ère des populismes, et il est temps pour la gauche d’arrêter de considérer ce phénomène comme une pathologie de la démocratie libérale, idée qui sous-tend une sorte de « normalité » du régime représentatif. Quel est le dénominateur commun du « populisme », au-delà de l’étiquette péjorative qu’on utilise aussitôt pour discréditer l’adversaire en le qualifiant de nationaliste, conservateur, fasciste, etc. ?

« Les configurations historico-culturelles susceptibles à tort ou à raison de tomber sous l’étiquette « populiste » possèdent au moins le trait commun d’une référence au « peuple », un peuple qui, au travers de discours mobilisateurs, se voyait opposé comme source de légitimité à une multitude de figures antagonistes potentielles : les élites en place, le « système », le statu quo institutionnel du régime représentatif, la classe politique corrompue, la bureaucratie envahissante, la technocratie toute-puissante, les financiers avides, le pouvoir central, etc. Appel au peuple, dénonciation des médiations et crise de légitimité politique semblent bien constituer les trois conditions de possibilité fondamentales de l’expression même d’une orientation populiste, laquelle peut, ainsi que la distingué Taguieff, recouvrir six domaines de significations différents, sous la forme d’un mouvement (comportant une fonction tribunitienne de mobilisation des classes moyennes et populaires), d’un régime (souvent de nature autoritaire ou plébiscitaire, à l’exemple du bonapartisme ou du péronisme), d’une idéologie (qui fonde une tradition politico-culturelle arrimée à la défense d’un peuple sain et authentique par opposition aux élites), d’une attitude (l’idéalisation du « populaire » comme porteur d’une mentalité, d’une culture ou d’une moralité exemplaires), d’une rhétorique (qui fonctionne peu ou prou par des discours flatteurs à l’égard des masses, selon une logique de canalisation du ressentiment) ou encore d’un type de légitimation (qui associe souveraineté populaire et légitimité charismatique, par l’intermédiaire du chef ou du sauveur). »[4]

Selon Stéphane Vibert, le populisme ne serait pas une déformation de la démocratie, mais un pôle fondamental et largement occulté de ce système politique, et dont la manifestation représenterait une réponse aux excès du constitutionnalisme libéral qui empêche le peuple de s’exprimer. Il s’agit « de comprendre la nature du populisme en s’attachant à le définir comme l’un des deux piliers irréductibles d’un système démocratique bipolaire qui, depuis une trentaine d’années, paraît reposer excessivement sur son autre pilier, à savoir le constitutionnalisme libéral et juridique. Si la démocratie, ainsi que l’estime Canovan, prend la figure d’un Janus qui porte une face de vocation rédemptrice et d’ambition de changer le monde, et une autre face de conciliation pragmatique et de gestion raisonnée des conflits, on peut alors poser l’hypothèse que le destin de la pratique démocratique consiste à osciller constamment entre une autorité totale accordée au peuple souverain (« populisme ») et une limitation des pouvoirs par des règles et des procédures légales (« constitutionnalisme »). En accord avec cette binarité fondamentale, il s’agirait donc de penser la vérité populiste de la démocratie. Ce populisme inhérent à l’expérience démocratique ne deviendrait, dans ce cas, problématique et menaçant non pas du fait de sa seule existence, mais bien en raison d’une exacerbation unilatérale nuisant à l’équilibre des institutions. »[5]

La réalité grimaçante de l’irritation populaire vis-à-vis les « accommodements raisonnables » ne doit pas être interprétée comme un relent de xénophobie d’un peuple attardé, ni par rapport à l’objet particulier qui fut au cœur des débats houleux dans l’espace public (les minorités culturelles, l’intégrisme religieux, les étrangers, etc.), mais comme une réaction collective vis-à-vis une approche abstraite, libérale et juridique de ces phénomènes, bref, contre un excès de « constitutionnalisme libéral ». Dans ce contexte populiste, la gauche ne doit pas se placer dans le camp de la gestion pragmatique des conflits, de l’inclusion, de la tolérance inter- ou multiculturaliste, non pas parce que le pluralisme serait mauvais en soi, mais parce qu’elle devient alors associée à l’élite bien-pensante et vertueuse qui mépriserait le « bon sens populaire ». Elle est perçue comme faisant partie du cadre institutionnel dominant cherchant à étouffer le « malaise identitaire » de la majorité et l’expression d’une « volonté populaire ».

Il ne s’agit pas ici d’affirmer que la majorité a la vérité infuse et que le populisme a toujours raison, mais qu’il faut justement canaliser ce ressentiment populaire contre le constitutionnalisme libéral, le régime représentatif qui consolide les droits individuels au détriment de la souveraineté populaire, en recadrant le débat afin que l’ennemi du peuple soit effectivement celui qui brime ses intérêts : caste politique, système financier et élites de l’industrie pétrolière et minière. Tant que la gauche n’aura pas réussi à développer un discours contre-hégémonique, c’est-à-dire à former un bloc historique et populaire formé par « ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut », elle restera inoffensive, inaudible dans l’espace public et ultra-minoritaire dans l’arène parlementaire. Le discours populaire ne doit pas seulement s’opposer à l’austérité et au virage pétrolier, mais intégrer la lutte anti-corruption en renversant le mot d’ordre « il faut faire un grand ménage ! » par la question « qui doit faire le ménage, des technocrates ou le peuple lui-même ? ». « Recourir [au populisme] est comme lancer une allumette dans une poudrière. Cela fait exploser la scène entière. »[6]

Principes de la démocratie participative

Au-delà du discours populiste qui remet au goût du jour la pleine autorité du peuple, il s’agit de présenter les grandes lignes d’un régime politique alternatif au gouvernement représentatif. Si la corruption nourrit généralement le sentiment d’impuissance et la volonté de recourir à des figures fortes pour ramener l’ordre et l’autorité dans la maison, il faut opposer un approfondissement de la démocratie par lequel le peuple sera appelé à véritablement diriger la vie collective. Ce modèle est nul autre que celui de la démocratie participative, qu’il faut éviter d’associer trop rapidement aux dispositifs bidon de consultation publique et d’autres institutions pauvres qui ne possèdent aucune autorité décisionnelle. La participation citoyenne ne doit pas être conçue comme le complément inoffensif d’un système qui consacre la toute-puissance des élus, des hauts fonctionnaires et des élites économiques, mais un régime politique en soi.

La démocratie participative n’implique pas le rejet de la représentation politique comme telle, car celle-ci est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des institutions publiques à différentes échelles. Mais elle est incompatible avec le modèle du « gouvernement représentatif » tel que décrit par Bernard Manin, qui consacre la séparation institutionnelle du pouvoir décisionnel entre les gouvernants et les gouvernés. Cette perspective remet donc en question le monopole du « mandat représentatif » comme principale forme de délégation du pouvoir politique, mais elle ne se réduit pas pour autant à l’absolutisation du « mandat impératif » à tous les niveaux. La démocratie participative désigne un régime politique hybride, qui articule la représentation avec des procédures de démocratie directe et semi-directe.

« Cette perspective conceptualise ainsi l’émergence embryonnaire d’un quatrième pouvoir, celui des citoyens lorsqu’ils participent à la prise de décision, directement (en assemblée générale ou à travers des référendums), à travers des petits groupes tirés au sort (jurys berlinois), ou à travers des délégués étroitement contrôlés (budgets participatifs, structures de développement communautaire) – plutôt que de s’en remettre à des représentants classiques. Ce quatrième pouvoir viendrait s’articuler aux trois pouvoirs classiques (le législatif, l’exécutif et le judiciaire), aboutissant à une forme mixte. Dans cette optique, l’institutionnalisation de la « participation » est loin de correspondre à chaque fois à l’émergence d’une réelle « démocratie participative », mais elle doit dans certains cas être analysée à l’aide de cette notion. »[7] Pour préciser la forme concrète de la démocratie participative, nous pouvons dégager brièvement quelques principes devant guider le modèle d’un régime politique appeler à remplacer le cadre institutionnel du gouvernement représentatif.

1 – Participation : Le cœur de la démocratie participative réside dans la création de nouveaux canaux institutionnels de participation bottom-up permettant aux personnes directement affectées par divers problèmes de mettre en œuvre leur connaissance, intelligence et intérêts dans la formulation de  solutions pratiques : référendums d’initiative populaire, conseils de quartier décisionnels, deuxième chambre citoyenne tirée au sort, etc.
2 – Délibération : Le principe délibératif désigne le fait que les décisions découlant du processus participatif doivent être basées sur un échange d’arguments permettant de formuler des choix collectifs par des raisons considérées. Contre le régime représentatif qui privilégie l’agrégation anonyme des préférences individuelles par le vote, la démocratie participative et délibérative favorise la formation rationnelle (critique et réflexive) de la volonté générale par les discussions publiques et le peuple assemblé à différentes échelles.
3 – Décentralisation : La participation délibérative nécessite une décentralisation politique et administrative du pouvoir vers des unités locales, et non une simple déconcentration bureaucratique qui préserve une subordination au gouvernement central. Cette distinction conceptuelle est illustrée par deux formules élégantes de l’homme politique français Odilon Barrot : dans le premier cas « on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près », alors que dans le second, « c'est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche. » 
4 – Coordination : Bien que la décentralisation implique que les unités locales doivent jouir de pouvoirs substantiels et d’une certaine autonomie, ceux-ci n’opèrent pas en vase clos comme des micro-États ou des corps politiques souverains. Il faut donc une décentralisation coordonnée, qui se distingue à la fois de la décentralisation pure et du centralisme démocratique, grâce à des mécanismes de communication et de reddition de comptes qui donnent un rôle significatif aux échelons supérieurs sans miner l’autorité des unités locales.
5 – Transformation politique : La démocratie participative se distingue de l’auto-organisation citoyenne et des mouvements sociaux qui cherchent à influencer le pouvoir de l’extérieur, car elle requiert l’institutionnalisation de la participation et de la délibération afin que l’État puisse fournir un égal accès aux moyens politiques permettant de participer de manière significative aux décisions collectives qui affectent la vie des citoyens. Ce dernier principe implique qu’il n’y a pas une différence de degré entre la démocratie participative et le gouvernement représentatif, un simple ajout de dispositifs participatifs dans une structure institutionnelle inchangée, mais une différence qualitative qui caractérise un nouveau régime politique par la mise en place d’institutions qui préfigurent une autre société.

Comment peut-on mettre en place un tel régime participatif ? Comment provoquer une véritable crise du régime politique actuel ? Telle est l’épineuse question qui sera abordée dans le prochain texte.





[2] Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 2012 p.17-18

[3] Claus Offe, Ulrich Preuβ, « Les institutions démocratiques peuvent-elles faire un usage « efficace » des ressources morales ? », dans Claus Offe, Les démocraties modernes à l’épreuve, L’Harmattan, Paris, 1997, p.223-224

[4] Stéphane Vibert, Le populisme et les aléas de la démocratie, dans Christine Couvrat, Joseph Yvon Thériault (dir.), Les formes contemporaines du populisme, Athéna, Montréal, 2014, p.44-45

[5] Ibid., p.45-46

[6] Il s’agit d’une reformulation d’une citation du philosophe Alfred North Whitehead qui portait initialement sur la métaphysique.


[7] Marie-Hélène Bacqué, Henri Rey, Yves Sintomer, « La démocratie participative, un nouveau paradigme de l’action publique ? », dans Démocratie participative et gestion de proximité. Une perspective comparative, p.37

Ébauche d’une théorie critique des vertus démocratiques

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