Notes sur le gouvernement révolutionnaire : la constitution sera indépendantiste ou ne sera pas


Entre foi et communication

Après l’échec historique du Parti québécois et tout le bavardage médiatique sur l’affaiblissement du mouvement souverainiste, la première erreur serait de renoncer au projet d’indépendance, ou de le mettre en veilleuse quelques années pour s’adapter aux humeurs changeantes d’un peuple qui ne croit plus en son avenir politique. Il ne s’agit pas ici de nier le fait que l’appui populaire à l’idée de souveraineté nationale est largement insuffisant, et qu’il faudrait simplement redoubler de ferveur souverainiste pour renverser la situation. La ferveur renvoie au zèle, à la dévotion, à un sentiment religieux intense, et l’une des raisons de l’essoufflement du projet souverainiste réside probablement dans le fait qu’il repose largement sur une foi sans contenu, déclinant progressivement avec le vieillissement des fidèles. Si toute idéologie politique ressemble jusqu’à un certain degré à une religion, l’Église souverainiste est devenue moribonde et doit faire appel à la jeunesse pour espérer de reprendre vie.

Or, ce renouvellement ne peut se limiter au recrutement de jeunes militant.e.s volontaristes qui souhaitent réanimer comme tel le rêve des fondateurs, reprenant sans remettre en question le discours de Lévesque, Parizeau et compagnie. Ce n’est pas tant les porteurs du discours souverainiste qui vieillissent, mais le discours lui-même. Et le discours n’est pas d’abord une affaire de rhétorique, une technique de communication qui sert à montrer par des arguments économiques et des petits clips médiatiques le caractère « cool » de l’indépendance. La meilleure agence de communication et de marketing n’arrivera pas à « vendre » une idée politique au-delà d’un public cible ; c’est probablement une raison qui explique la grande popularité d’Option nationale auprès d’une certaine branche de la jeunesse, et l’indifférence générale auprès de ceux et celles qui ne sont pas « intuitivement » attachés à l’indépendance. Ce parti a fait un excellent travail de vulgarisation qu'il faut souligner, mais il faut replacer la pédagogie indépendantiste dans une perspective politique plus large. L’efficacité d’une image est souvent proportionnelle au caractère ciblé d’un groupe donné, et c’est pourquoi la stratégie communicationnelle doit toujours être subordonnée à une vision globale de société, à un projet politique capable d’intégrer les multiples enjeux et contradictions qui traversent la communauté nationale. Le projet d’indépendance ne doit pas être mieux véhiculé, mais ré-inventé. Comme le rappelle Deleuze, « nous ne manquons pas de communication, au contraire nous en avons trop, nous manquons de création, nous manquons de résistance au présent. »

L’indépendance populaire

La principale innovation stratégique du projet indépendantiste des dernières années n’est pas issue du mouvement souverainiste classique, mais de la gauche politique. Elle consiste à faire reposer la souveraineté nationale sur le principe de souveraineté populaire, notion complexe située au carrefour de la société civile, de la démocratie participative et du droit d’auto-détermination des peuples. En gros, il s’agit de faire reposer la stratégie d’accession à l’indépendance sur une démarche constituante, une assemblée citoyenne qui serait chargée de rédiger la constitution du Québec. L’initiative ne vient donc plus d’une élite parlementaire qui s’engage à négocier la souveraineté du Québec avec l’État canadien à la suite d’une victoire du Oui lors de la consultation référendaire, mais d’un processus indépendant de l’Assemblée nationale qui serait chargé d’élaborer, par la participation et la délibération populaire, l’architecture institutionnelle du Québec : valeurs, droits, principes, institutions, distribution des pouvoirs, etc. La constitution devra ensuite être ratifiée par la population lors d’un référendum, la totalité des citoyens et citoyennes du Québec pouvant dès lors adopter ou rejeter le projet proposé.

Toute la difficulté réside dans l’articulation de la question du statut politique du Québec à l’intérieur du processus constituant. Normalement, un référendum sur l’indépendance nationale devrait précéder la rédaction d’une constitution afin d’éviter de brouiller les cartes. Or, la stratégie de l’assemblée constituante consiste précisément à rejeter la perspective référendaire classique en permettant au peuple québécois de rédiger un projet de pays qu’il aura lui-même construit, afin de lui donner une vision positive et déterminée d’une nouvelle société qui pourra le motiver à faire le saut nécessaire et assumer ce grand changement politique. Il s’agit en quelque sorte d’asseoir l’indépendance sur l’empowerment du peuple québécois, c’est-à-dire l’auto-organisation citoyenne qui pourra prendre elle-même en charge son avenir politique, l’État venant seulement appuyer financièrement et soutenir légalement une initiative issue de la base. Cette stratégie d’indépendance populaire représente un renversement conceptuel par rapport à l’approche élitiste, qui consistait à donner un chèque en blanc à la classe politique pour qu’elle fasse la souveraineté à la place du peuple.

Le dilemme de l’assemblée constituante

Si nous acceptons que l’épineuse question du statut politique du Québec devra être résolue à l’intérieur d’un processus constituant afin que le projet d’indépendance repose sur une démarche pleinement efficace, légitime, inclusive et démocratique, alors nous devons répondre à la question suivante : le mandat de l’assemblée constituante sera-t-il de rédiger la constitution d’un Québec indépendant ? Si nous affirmons, à la manière de Québec solidaire et différents acteurs du mouvement souverainiste, qu’il s’agit avant tout de rédiger une constitution et que ce sera à l’assemblée citoyenne de décider si elle doit inclure ou non l’indépendance du Québec dans son projet, alors nous ouvrons la possibilité que le peuple québécois ne pourra pas exercer son droit d’auto-détermination lors du référendum qui conclura le processus. Si nous affirmons au contraire que l’assemblée constituante devra rédiger la constitution d’un Québec indépendant, alors celle-ci s’expose au risque qu’elle ne pourra pas rallier les personnes qui n’étaient pas convaincues au départ, limitant ainsi son caractère inclusif. Nous soutiendrons ici que la première option est inconsistante du point de vue démocratique, et qu’elle présente d’importantes lacunes en termes d’efficacité avant et pendant le processus constituant. Nous argumenterons ensuite en faveur de la deuxième option, en réfutant l’objection selon laquelle la précision du mandat de l’assemblée constituante limiterait son potentiel démocratique et mobilisateur.

Tout d’abord, le mandat « ouvert » de l’assemblée constituante traite la question du statut politique du Québec (indépendance ou provincialisme) comme une question parmi d’autres qui se retrouvera dans une liste de propositions lors du référendum. Le parti qui sera alors au pouvoir à l’assemblée nationale, Québec solidaire par exemple, pourrait faire valoir sa perspective indépendantiste comme une option parmi d’autres aux côtés de ses valeurs progressistes afin de préserver l’autonomie de l’assemblée constituante. « Celle-ci aura pour mandat d’élaborer une ou des propositions sur le statut politique du Québec, sur les valeurs, les droits et les principes sur lesquels doit reposer la vie commune, ainsi que la définition de ses institutions, les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur sont délégués. […] Les propositions issues de l’Assemblée constituante, y compris celle sur le statut politique du Québec, seront soumises au choix de la population par référendum, ce qui marquera la fin du processus. Tout au long de la démarche d’Assemblée constituante, Québec solidaire défendra son option sur la question nationale québécoise et fera la promotion de ses valeurs écologistes, égalitaires, féministes, démocratiques, pluralistes et pacifistes, sans toutefois présumer de l’issue des débats. »

Bien que cette position semble manifester une grande ouverture à la pluralité des positions et donc une certaine neutralité quant aux divergences de perspective sur la question nationale, celle-ci cache le fait que le but implicite de la démarche n’est pas de rédiger une constitution pour le simple plaisir de la délibération, mais de faire l’indépendance. Évidemment, la stratégie consiste à ouvrir la démarche au plus grand nombre de personnes et de convaincre ensuite une majorité en cours de route. On fait alors le pari que le débat démocratique pourra créer un « consensus » sur la question nationale, celui-ci n’étant pas réglé d’avance mais le résultat spontané d’une réflexion collective. On croit alors que l’indépendance émergera d’elle-même en ne donnant aucune orientation initiale au processus, afin de ne pas faire peur à ceux et celles qui ne sont pas d’emblée convaincus par la pertinence de la souveraineté mais changeront probablement d’idées en participant.

L’analogie de la grève générale

Or, cette perspective spontanéiste repose sur une prémisse fausse qui stipule que l’objet du débat étant prédéterminé, les personnes hésitantes ou opposées au projet ne participeront pas à la délibération. Au contraire, le fait de préciser clairement un enjeu controversé d’intérêt général dans le but de convaincre une assemblée permet d’éclaircir l’objectif de la démarche, de mobiliser les membres à participer, et d’assurer la transparence du processus délibératif. Prenons l’exemple d’une association étudiante dans laquelle le comité exécutif décide de convoquer une assemblée dans le but de déclencher une grève générale. Celle-ci a deux options : a) convoquer une assemblée générale avec plusieurs points à l’ordre du jour, dont l’un traite de la question « grève » afin de ne pas faire peur aux membres réticents ; b) convoquer une assemblée générale extraordinaire dont le point principal est « grève générale illimitée », dans laquelle les membres pourront discuter des modalités de cette grève, ses raisons, ses revendications et ses objectifs, et voter en faveur ou en défaveur de son déclenchement.

Dans la première option, le comité exécutif espère que le point grève sera traité comme une question parmi d’autres, l’assemblée ne devant pas être monopolisée par ce débat controversé. Néanmoins, cet enjeu fera irruption et prendra la plus grande place dans la discussion, laissant peu d’espace pour les autres points qui seront alors traités comme des questions secondaires. Certaines personnes pourraient également souligner les intentions cachées du comité exécutif qui, sous couvert de neutralité, voulait en fait déclencher une grève sans soulever de tollé. Dans la deuxième option, le comité exécutif assume l’objectif de la démarche en convoquant l’assemblée à cette fin, en confiant aux membres la tâche de délibérer de la nature du projet, des grandes lignes et même des détails, tout en leur laissant la liberté d’adopter ou de rejeter le projet lors de la décision finale. Certaines personnes pourraient certes reprocher au comité exécutif de vouloir orienter le processus, mais celui-ci serait clair sur ses intentions tout en laissant la possibilité à l’assemblée de s’emparer pleinement de cette question. Les membres farouchement convaincus ou opposés à la grève se mobiliseraient pour faire valoir leur point de vue, de même que les personnes indécises qui voudraient entendre les différents arguments et avoir leur mot à dire. Enfin, les membres pourraient établir collectivement les raisons, principes et modalités qui encadreront cet événement perturbateur pour l’association étudiante, afin d’expliciter clairement les pour et les contre d’une telle décision.

Souverainisme complexé et double constitution

Cette expérience de pensée permet d’illustrer à plus petite échelle deux perspectives divergentes sur une question litigieuse qui touche l’ensemble de la communauté politique. La première approche traite la question nationale de manière complexée, car elle affirme son soutien à l’indépendance sur le plan théorique tout en laissant la stratégie d’accession à l’indépendance indéterminée sur le plan pratique. Le souverainisme complexé, pour se démarquer politiquement des autres approches souverainistes, met de l’avant un processus constituant ouvert et inclusif, mais qui a tendance à occulter l’objectif de la démarche. L’accent est mis sur la souveraineté populaire au moment de la délibération, et non sur la souveraineté nationale qui est pourtant nécessaire à l’exercice de la souveraineté populaire après le référendum. Autrement dit, la souveraineté populaire est fondamentale durant le processus, tandis que la souveraineté nationale est optionnelle.

La souveraineté populaire est alors traitée comme un moyen, un outil stratégique, et non comme une fin, une forme de société. Autrement dit, l’assemblée constituante n’est plus l’instrument de la souveraineté populaire, c’est la souveraineté populaire qui devient l’instrument de l’assemblée constituante. Tout se passe comme si l’obsession de la souveraineté nationale au sein du mouvement indépendantiste avait provoqué la réaction opposée chez la gauche, qui revendique alors le primat de la souveraineté populaire (à juste titre) sans l’articuler pour autant au cadre national-étatique qui la rendra effective. Comment un peuple peut-il se gouverner lui-même sans des institutions politiques qu’il peut créer, modifier et destituer à sa guise ? Comment peut-il être souverain à l’intérieur d’institutions d’origine coloniale et banalisées par la routine parlementaire, qui sont elles-mêmes assujetties à une constitution qui n’a jamais fait l’objet d’une ratification populaire ? Même une constitution provinciale élaborée démocratiquement par le peuple québécois serait limitée a priori par le cadre constitutionnel canadien, officialisant ainsi l’autonomie relative accordée de facto à l’État québécois depuis 250 ans.

Le souverainisme complexé se retrouve également dans la stratégie de la « double constitution », qui vise à trouver un terrain d’entente entre les camps souverainistes et fédéralistes pour un combat équitable et éclairé qui laisserait place à deux projets lors du référendum. Le projet de pays serait mis côte à côte d’un projet provincial qui laisserait miroiter la possibilité d’un « fédéralisme renouvelé ». Or, à quoi peut bien servir la rédaction d’une constitution qui ne serait pas celle d’un Québec indépendant ? Nous pouvons certes donner l’exemple de la constitution de la Colombie-Britannique, qui réunit dans un même texte l’ensemble des règles de droit qui organisent les institutions de la province. Mais il y a tout de même des constitutions implicites dans l’ensemble des provinces, dans la mesure où celles-ci sont organisées par un ensemble de chartes et de lois fondamentales (Charte des droits et libertés de la personne du Québec, Charte de la langue française, etc.) à valeur quasi-constitutionnelle.

La principale fonction d’une constitution provinciale serait d’expliciter le statu quo, de montrer ce que nous ne pouvons pas faire à l’intérieur du carcan canadien, mais il n’est pas nécessaire de présenter cette possibilité comme une « alternative politique » devant obligatoirement faire partie du processus constituant. Une constitution provinciale provisoire pourrait même être adoptée par un gouvernement solidaire au début de son mandat, à titre de manœuvre pédagogique pour montrer les limites juridiques, politiques et économiques d’une telle approche. Le fait de rassembler les chartes et textes de lois existants, en ajoutant l’égalité homme-femmes et la laïcité n’aurait rien de problématique sur le plan démocratique. Autrement dit, il ne s’agit pas de présenter la constitution provinciale comme une option réelle, mais de la réaliser pour montrer ce qu’elle est en fait, soit un cul-de-sac politique, un changement cosmétique.

Vers une grève nationale illimitée

Le principal avantage de la stratégie de la double constitution, qui consiste à comparer systématiquement une constitution provinciale rachitique et une constitution républicaine musclée, peut donc être reprise de la manière suivante : 1) adoption d’une constitution provinciale par l’Assemblée nationale ; 2) déclenchement d’une assemblée constituante devant rédiger la constitution d’un Québec indépendant. Les fédéralistes pourront certes se plaindre que le processus constituant est déjà « pipé d’avance » en faveur du projet de pays, mais leur option de réforme constitutionnelle intra-canadienne aura déjà été réalisée à l’Assemblée nationale. Ils ne pourront pas accuser l’assemblée constituante de vouloir « tromper le peuple » sous prétexte de neutralité, car sa fonction, le but explicite de cette démarche sera d’élaborer démocratiquement un projet de pays pour convaincre une majorité populaire de sa désirabilité et sa nécessité. Il n’y a nul trucage ici : le gouvernement solidaire agirait à titre de comité exécutif convoquant une grève nationale illimitée, qui sera débattue non pas dans l’enceinte étroite du parlementarisme, mais directement dans la société civile, la rue et les assemblées citoyennes.

Le processus constituant serait alors dirigé par un « gouvernement parallèle » populaire, élu ou tiré au sort idéalement, qui aurait pour fonction de créer le pays qui appelle à naître. Nulle ambiguïté, pure simplicité, l’assemblée constituante aura pour fonction de recueillir les témoignages et les propositions citoyennes pour former les contours d’une nouvelle société. Telle est la tâche d’un gouvernement révolutionnaire, c’est-à-dire d’un parti qui se veut l’outil effectif de la souveraineté populaire, qui laissera pleinement au peuple la capacité de forger librement les institutions qui lui tiennent à cœur. Celui-ci doit rompre avec le carcan juridique suprême, la loi canadienne qui empêche l’expression de la pleine souveraineté populaire, par la mise en place d’un processus qui invite à renverser l’ordre politique actuel. L’indépendance, même si elle se fait pacifiquement, démocratiquement et demeure « tranquille », n’en demeure pas moins une révolution au sens strict.

« L’élection d’une Assemblée constituante est donc un acte démocratique par excellence, un acte à la fois de rupture avec le statu quo du régime fédéral canadien et un acte réellement fondateur. En ce sens, c’est une suspension des mécanismes de la réforme constitutionnelle prévue par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. »[1]
Cette deuxième approche, que nous pouvons qualifié de « gauche indépendantiste », est décomplexée dans la mesure où elle n’a pas peur d’affirmer que l’indépendance n’est pas une option, mais une nécessité vitale pour la réalisation d’une souveraineté populaire qui ne reste pas dans le monde des abstractions. Contrairement au souverainisme complexé qui conçoit d’abord l’indépendance comme un instrument au service d’un projet de société, l’indépendantisme décomplexé considère l’indépendance comme un projet de société, comme une libération nationale qui sera elle-même vectrice de transformation sociale. Nous passons alors d’un « pays de projets » indéterminés à un « projet de pays » déterminé.

L’emploi de mots vagues comme « projet de société » est souvent le symptôme d’une incapacité à nommer directement les choses de peur d’offusquer les gens avec des termes connotés péjorativement par l’histoire et le discours dominant. Or, nous n’arriverons pas à convaincre une majorité en évoquant des termes généraux mais inoffensifs et en laissant nos adversaires définir à notre place les mots qui permettent de définir nos idées politiques. C’est à nous de donner un nouveau sens, de nouvelles images, de nouveaux contenus aux idées émancipatrices de nos ancêtres. Si le projet de société alternatif au capitalisme néolibéral et autoritaire peut être désigné par l’expression « écosocialisme démocratique », « social-démocratie libertaire » ou « société conviviale », le nom du projet de pays est « indépendance populaire » ou « République du Québec ». Nous pouvons employer les expressions « révolution citoyenne », « révolution fiscale » ou « révolution verte » pour marquer la rupture sans employer la rhétorique marxiste, mais il n’en demeure pas moins que l’horizon est celui d’une transformation radicale du monde dans lequel nous vivons.




[1] Un pays démocratique et pluriel, 5e Congrès de Québec solidaire, 2009, p.8

Commentaires

  1. Oup là! Votre changement d’avis est pour le moins soudain, alors que vous aviez été si convaincant concernant la validité stratégique de la constituante à double constitution. L’intérêt de cette stratégie, comme vous l’avez-vous-même souligné, était qu’elle forçait les provincialistes à se battre sur le terrain de la souveraineté populaire ou à la rejeter, ce qui dans les deux cas démontrerait l’incongruité de leur option aux yeux de la population (en plus d’entrainer la division entre ceux et celles qui voudraient participer à la constituante et ceux et celles qui la rejetteraient, entre plus « progressistes » et conservateurs, etc.). Évidemment, son désavantage en comparaison avec l’option de la constituante indépendantiste est qu’elle rendait moins claire l’articulation pourtant nécessaire entre transformation sociale et libération nationale. Vous semblez maintenant pensez que la clarté de la seconde option soit au final stratégiquement plus « payante » que l’espèce de machiavélisme de la première (si elle est mise en branle correctement, ce dont je suis loin d’être convaincu à observer les têtes dirigeantes actuelles du parti). Ce n’est pas une mauvaise idée, du moins pour l’étape immédiate que QS doit affronter et qui consiste à tirer le tapis sous les pieds du PQ, de se poser comme véritable alternative résolue et transformatrice et de maintenir le discours indépendantiste sur la carte tout en le renouvelant. Quelques observations en vrac :
    -Le choix de la constituante indépendantiste dans l’immédiat aurait l’avantage de sonner comme un véritable coup de tonnerre dans le ciel de la gauche et de l’indépendantisme québécois. Peut-être pour la première fois depuis les Patriotes, une organisation politique majeure (et premier parti de gauche bien implanter et durable de l’histoire du Québec, si je ne me trompe pas…) aurait résolu l’éternelle question de l’articulation entre question sociale et nationale (qui avait fait les ravages que l’on sait, entre autre dans les années 70), en ne posant plus leur articulation comme un problème, mais comme une arme pouvant mener à la victoire. Cela provoquerait un ralliement –peut-être pas massif au départ, mais très dynamique- d’éléments indépendantistes et progressistes éparpillés et sonnerait de facto le début de la transformation de l’image du parti.
    - Une fois cette étape franchie et si le parti parvient aux portes du pouvoir (ou carrément au pouvoir), il sera toujours temps d’inclure une option de constitution provinciale, envoyant ainsi un signe d’ouverture mais dressant aussi tout un piège pour les provincialistes.
    -On accusera bien-sûr la constituante indépendantiste d’être exclusive et que les dés y soient pipés d’avance, mais l’utilisation du tirage au sort pour en déterminer la composition sera une façon très adéquate de répondre à cet argument. Dans tous les cas, il faudra mettre au point toute une stratégie pour contrebalancer l’influence des médias de masses (gonfler Télé-Québec pour la mettre au service de la constituante ne serait pas une mauvaise idée…).

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    1. En effet, mon idée n'est pas encore arrêtée sur le sujet, car j'explore les implications pratiques et idéologiques des différentes alternatives stratégiques de l'assemblée constituante. Ayant été charmé par l'hypothèse de la double constitution, j'ai eu certaines discussions qui m'ont rappelé la pertinence de la stratégie initiale d'un processus essentiellement orienté vers la construction collective d'un projet de pays.

      Il ne semble y avoir aucune perspective "parfaite", chacune présentant des avantages et des inconvénients qu'il est primordial d'analyser et de soupeser en fonction des objectifs ultimes que nous voulons atteindre. Pour le reste de vos remarques, vous prolongez à merveille les pistes de réflexion soulevées, et il serait intéressant de lancer un débat plus large sur la blogosphère par la mise en circulation de plusieurs textes issus d'auteurs différents.

      Bien à vous,

      Jonathan

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  2. Je lis attentivement tes réflexions, qui sont toujours très intéressantes.

    Dans contre réponse de ton article sur le double mandant de la Constituante, tu insistais pour me dire que tes propositions sont simples et compréhensibles. Si je comprends bien, ta position, pour l'instant, c'est:

    1) Constitution provinciale par l'Assemblée nationale
    2) Constituante tirée au sort pour se pencher sur une constitution indépendantiste

    Contrairement à toi, je trouve que ce n'est pas simple du tout. Tu sembles critiquer l'approche ON, que tu considères comme un volontarisme naïf, fondé sur l'idée de la « pédagogie ». D'un point de vue strictement empirique et militant, ce n'est pas plus facile de faire la pédagogie de la Constituante que de faire la pédagogie de l'indépendance. En fait, c'est probablement plus difficile. Regarde l’état de la conscience démocratique au Québec. L’idée du référendum d’initiative populaire, imposée à Pauline Marois par Bernard Drainville, a soulevé une hostilité incroyable. La simple idée que le peuple puisse réclamer un référendum sur une question donnée (et on n’a même pas commencé à remettre en cause le régime représentatif) est un ovni terrifiant.

    Le Québécois moyen peine à faire la différence entre le gouvernement fédéral et provincial, entre un ministre et un sous-ministre. Rien que pour soulever l’adhésion à la Constituante, tu devras faire un immense travail de promotion et de pédagogie. Selon toi, c’est une tâche qu’il vaut la peine de faire, parce que le contenu de la souveraineté populaire débouchera nécessairement sur l’indépendance. Il y a du vrai là-dedans. Cependant, l’inverse est aussi vrai. La promotion véritable de l’indépendance débouche nécessairement sur l’idée de la Souveraineté populaire. C’est ce que j’essaierai de montrer à partir de maintenant.

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    1. Concernant ma critique de la pédagogie d'ON, je la trouve nécessaire mais non suffisante pour relancer la lutte pour l'indépendance. Le parti fait un travail intéressant, qui va chercher une certaine partie de la population, mais je souligne qu'il faut repenser le projet politique, non seulement les avantages de la souveraineté nationale (LIT), mais la forme du pays dans lequel on veut vivre, et la manière démocratique d'y accéder, au-delà de la simple élection d'un parti indépendantiste.

      Concernant la simplicité d'une pédagogie de l'assemblée constituante, elle n'est pas simple du tout. Le problème réside dans la culture démocratique déficiente du Québec, qui n'est pas une fatalité heureusement. Le niveau de conscientisation politique peut être grandement accéléré par une lutte sociale, ce qui fut le cas de plusieurs personnes durant le printemps québécois.

      En ce qui concerne la proposition de Drainville d'instituer des référendums d'initiative populaire, l'idée n'était pas largement rejetée par la population ; son abandon résulte davantage d'un manque d'audace politique et d'intérêts stratégiques, Marois étant fondamentalement hostile à l'idée et l'ayant accepté sur le bout des lèvres lorsque son leadership était contesté à l'époque.

      Si on regarde un référendum d'initiative populaire à l'échelle locale, une consultation publique sur l'agriculture urbaine fut initiée par 30 000 signatures de citoyennes et citoyens montréalais en 2011. Ce n'est donc pas un ovni terrifiant. Mais il n'en demeure pas moins que la mise sur pied d'un projet de constituante devra être popularisée avec beaucoup de pédagogie.

      Finalement, la promotion véritable de l'indépendance ne débouche pas nécessairement sur la souveraineté populaire, la souveraineté nationale ne garantissant à rien que le peuple dirige effectivement le pays. Nous pouvons bien inclure un principe de souveraineté populaire dans la constitution (ce que je souhaite), mais nous devons regarder les pratiques démocratiques réelles pour juger si cet idéal est à l'oeuvre dans la société. La grande majorité des Républiques dans le monde ne sont pas réellement gouvernées par le peuple, mais par une élite politique et économique qui concentre la plupart des pouvoirs.

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  3. Tu te présentes comme un révolutionnaire, mais tu me sembles oublier une composante essentielle ce ce courant de pensée. Pendant que tu passes ton temps à vouloir définir les contours d’un gouvernement révolutionnaire, tu ne parles jamais du rôle primordial du parti révolutionnaire. Cet oubli, je présume, explique ton rejet du « volontarisme militant ». Pour moi, ce volontarisme est nécessaire, parce qu’il engage les militants sur la voie de la démocratie directe, au niveau des instances du parti. On y retrouve un prélude de tous les éléments essentiels à la transformation sociale: grande autonomie des associations locales, investitures ouvertes, plateforme établie démocratiquement, imputabilité du chef (voire du porte-parole).

    Le politologue Denis Monière est très convaincant sur ce sujet. Il soutient qu’en raison de sa nature même, l’indépendance ne peut être réalisée que par un parti aux structures démocratiques et militantes. C’est l’idée derrière le « volontarisme » : à partir du moment où l’on recrute un grand nombre de citoyens pour participer aux activités du parti militant, la transformation est en marche. Le fonctionnement interne du parti doit être le reflet du genre de gouvernement que nous aurons. La meilleure façon de prédire la façon dont un parti se comportera une fois au pouvoir, c’est encore la façon dont il s’est comporté avant de l’être. Le Parti québécois, au départ, était un parti militant, avant de se transformer au contact du pouvoir. C’est un bon parti qui a déraillé à cause d’un mauvais programme: l’étapisme.

    Dans cette optique, je crois que l’on peut parfaitement considérer l’Assemblée nationale comme étant la Constituante, si le programme défendu et établi par les militants en est un, justement, de Constituante. Le programme, c’est de réformer la démocratie québécoise par la rédaction d’une Constitution et la déclaration d’indépendance, chose que les députés peuvent très bien faire.

    Tu rejettes cette idée parce que tu perçois l’Assemblée nationale comme une institution foncièrement réactionnaire qui demande à être dépassée. On pourrait citer l’exemple du Parti québécois, qui s’est transformé au contact du pouvoir. Cependant, la raison pour laquelle il s’est corrompu, c’est précisément parce qu’il a dissocié les questions de l’indépendance et du gouvernement provincial. C’est la même erreur que QS est en train de commettre. En même temps que l’on convoque la Constituante, on met en branle un cortège de réformes dans le cadre provincial.

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    1. Je suis tout à fait d'accord avec la première partie du commentaire, et je parlerai davantage de la forme du parti "révolutionnaire" dans les prochains textes. Pour ce qui est du "volontarisme", il faut distinguer deux significations de ce terme : a) doctrine qui place la volonté au-dessus de l’intelligence et l’action au-dessus de la pensée intellectuelle ; b) attitude d’une personne qui est convaincue de pouvoir changer le cours des évènements par la seule volonté.

      Je suis relativement d'accord avec l'idée que la volonté est ce qui permet d'assurer une transformation sociale, à condition qu'elle s'appuie sur une analyse réaliste de la conjoncture. Je fais mien la philosophie de la praxis et le mot d'ordre de Gramsci : pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté.

      En fait, si le programme d'un parti est issu d'un processus démocratique (QS étant d'après moi le parti le plus démocratique qui existe au Québec), il n'est pas pour autant le fruit d'une Assemblée constituante qui réunit l'ensemble de la population. Il faut distinguer le travail des militant.es, d'une "avant-garde" qui définit un projet politique, une vision commune du monde, et la diversité des perspectives diffuses dans la population. L'Assemblée nationale, en vertu des structures parlementaires britanniques, de la composition des députés qui proviennent en quasi totalité de groupes sociaux privilégiés, n'est pas le peuple, mais seulement une petite faction qui souhaite le représenter et gouverner à sa place. Il faut être conscient de cette distinction, afin d'identifier notre volonté militante (qui peut être sincère et bien intentionnée) et la volonté générale.

      Ensuite, l'Assemblée nationale peut bien initier un processus constituant, il n'y a pas de contradiction dans cela. Mais le but de l'assemblée constituante est que ça soit les citoyens, la société civile auto-organise qui rédiger la constitution, et non une élite, la classe politique élue. Cet exercice de pédagogie populaire est précisément ce qui permettra au peuple de s'exercer à gouverner, à agir selon le principe de la souveraineté populaire. Comme le dit Alexis de Tocqueville, « ainsi le jury, qui est le moyen le plus énergique de faire régner le peuple, est aussi le moyen le plus efficace de lui apprendre à régner ».

      Finalement, ton analyse de la dérive du Parti québécois est trop simpliste. Il est vrai qu'il a été transformé au contact du pouvoir, comme tout parti qui devra inévitablement faire des compromis. Or, l'avantage de la stratégie de QS est ne pas séparer l'indépendance et le projet de société à mettre en place, au sens où il considérerait la première comme option qu'il mettra lui-même en oeuvre au moment voulu. C'est précisément le contraire qui est vrai, car une fois au pouvoir, le gouvernement solidaire s'occupera de mettre en place les réformes radicales socio-économiques pendant que les citoyens auto-organisés s'occuperont de construire un projet de pays indépendamment de l'élite en place, processus qui aboutira nécessairement sur un référendum dans le premier mandat. La question nationale sera alors réglée avant la prochaine élection, le parti ayant les réformes qu'ils pouvaient dans le cadre provincial en attendant que le peuple forger de nouvelles institutions politiques qu'il aura lui-même choisies.

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  4. Le fondement du volontarisme, c’est de transformer le citoyen pour prendre le pouvoir par l’entremise d’un parti révolutionnaire. Ton approche semble plutôt être de prendre le pouvoir pour transformer le citoyen. Je ne suis pas proudhonien, loin s’en faut, mais je pense que si l’on commence à la bonne place, c’est-à-dire au niveau du parti, l’Assemblée nationale ne devrait pas poser de problème de légitimité. D’ailleurs, si ta priorité est la Souveraineté populaire, comment pourras-tu convaincre efficacement le citoyen, si tu veux maintenir le rôle de gouvernement de l’Assemblée nationale pendant qu’une institution secondaire se penche sur la question? Le gouvernement provincial, en effet, aurait pris le pouvoir par une forme de suffrage injuste. Dans ces circonstances, tout geste qu’il commettrait et qui ne serait pas directement lié à la réforme constitutionnelle apparaîtrait comme une trahison de ses principes. C’est pour cette raison que la Constituante 2 est superflue. Puisque l’Assemblée nationale ne peut être légitime avant d’être véritablement démocratique, son seul programme possible, c’est la rédaction d’une nouvelle Constitution.

    Je reviens à ce que je disais, à propos de la nature d’un parti capable de réaliser l’indépendance. Afin de court-circuiter l’influence de l’establishment, dont le discours est largement répandu par les médias, il faut susciter une mobilisation de masse, capable de fonctionner par le bouche-à-oreille et les assemblée de quartier. Il faut donc constituer un parti dont les statuts reflètent ceux d’un gouvernement éventuel, et recruter massivement. Le volontarisme à la Monière, c’est ça.

    Le grand drame de QS, c’est que le parti est en proie à plusieurs militants qui s’accommoderaient très bien d’une sorte de NPD provincial. Pour cette raison, le parti est incapable de renoncer aux avantages immédiats du pouvoir provincial. Même si tu te défends très bien, je crois que tu t’embourbes dans des considérations savantes à propos de la Constituante et de ses mandats possibles, pour cette raison précise que tu es prisonnier d’un véhicule toussotant.

    Je vais terminer par ces propos que le feu Jean Garon m’a tenus un jour: « Pour faire l’indépendance, ça te prend juste 400 000 membres, le reste va suivre ». :)

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    1. Transformer le citoyen pour le faire devenir un révolutionnaire professionnel qui prendra le pouvoir par un parti éclairé qui dirigera le peuple à sa place, car il connait mieux ses intérêts que lui et identifie sa propre volonté militante à l'ensemble du corps social, est une perspective marxiste-léniniste qui aboutit au socialisme autoritaire et aux pires dérives politiques. Je ne rejette pas ici toute la pensée de Lénine en bloc, mais cette attitude qui consiste à miser uniquement sur la volonté militante, et non sur l'émancipation ou l'auto-prise de conscience du citoyen par la lutte sociale (perspective de Rosa Luxemburg que je défends contre les dérives étatistes et bureaucratiques du léninisme).

      Or, mon prochain texte montre précisément qu'il ne s'agit pas d'attendre de prendre le pouvoir pour transformer le citoyen, mais de transformer le citoyen par une lutte collective et une assemblée citoyenne afin de prendre le pouvoir justement. Et cela ne doit pas se limiter à un seul parti politique éclairé.

      Ensuite, on peut aisément défendre la priorité du principe de souveraineté populaire durant le processus constituant, tout en gardant la légitimité temporaire de la souveraineté nationale (comprise au sens de représentation parlementaire) au même moment, car le processus n'aura pas encore aboutit sur une réponse définitive, et les institutions politiques n'auront pas encore été transformées. Ensuite, si nous devenons un État indépendant, alors il y aura le principe de souveraineté nationale qui entrera en jeu, et celui-ci est nécessaire pour donner corps à la souveraineté populaire, à condition que celle-ci soit effective, par la mise en place d'un auto-gouvernement populaire, c'est-à-dire des institutions politiques beaucoup plus démocratiques que ce se le libéralisme ou le républicanisme classique nous a habitué.

      Ensuite, le gouvernement provincial n'aura pas été élu par un suffrage totalement injuste, mais un mode de scrutin biaisé, imparfait. Cela ne l'empêche pas de gouverner jusqu'à maintenant à ce que je remarque. Il ne faut pas penser en termes de tout ou rien, mais de plus et de moins. Et ce l'assemblée constituante mettra de l'avant dans son projet de constitution, si cela contredit en partie ce qui se déroule au même moment à l'Assemblée nationale, cela n'aurait aucune force de loi car le projet n'aura pas encore été adopté! L'Assemblée constituante n'est donc pas superflue, cette objection ne tient pas la route.

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    2. Enfin, je suis d'accord avec l'idée que nous avons besoin d'un "parti de masse", qui fonctionne par bouche-à-oreille et assemblées locales, avec des statuts qui reflètent un gouvernement éventuel. Or, je ne vois pas le lien avec cette proposition et la critique rapide que plusieurs gens de QS s'accommoderaient d'un NPD-provincial. Je ne connais pas un seul militant qui soutient une chose pareille, car le NPD-Québec serait en concurrence directe avec QS, aucun solidaire n'appuyant cette idée. S'il y a des membres qui peuvent appuyer le NPD fédéral (de manière incohérente selon moi), ce n'est pas la même chose.

      À vrai dire, je ne crois pas que QS soit un véhicule toussotant, bien au contraire. Il est pleinement vivant et consolide ses forces, contrairement à ON qui fait piètre figure sur le plan de la démocratie interne, si nous regardons l'ensemble des démissions depuis quelques mois et des lettres de dénonciation du manque de transparence et des magouillages à l'intérieur du conseil national. Je ne veux pas ici créer un débat sur cette question, mais si le fonctionnement effectif d'ON sera reflété dans un gouvernement éventuel, j'ai des très bonnes raisons de m'inquiéter.

      Concernant la remarque de Jean Garon, je ne crois pas que le nombre de membres mène mécaniquement à l'indépendance, comme nous montre l'histoire du jeune parti québécois, qui avait 80 000 membres deux ans après sa formation, qui a pris le pouvoir certes, mais qui a échoué lors du premier référendum car l'ensemble de la population ne correspondait pas à une copie agrandie du PQ. D'ailleurs, je ne crois pas qu'ON sera un jour un parti de masse, et je ne crois pas que le PQ, malgré un grand nombre de membres, sera à nouveau un "parti populaire", c'est-à-dire représentant les intérêts des classes populaires et ayant une composition démocratique qui reflète les différents groupes de la société québécoise.

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  5. Je te remercie pour ta réponse qui clarifie ta pensée, je vais dire quelques choses rapidement.

    Premièrement, je suis entièrement d'accord que la souveraineté ne vient pas d'en haut, mais d'en bas. Ma conception d'un parti qui réaliserait l'indépendance n'est surtout pas léniniste (j'ai d'ailleurs craint que c'est ce que tu penserais en me lisant), il n'est pas question d'une dictature de quoi que ce soit par un parti éclairé. Je mets surtout l'accent sur l'importance d'un parti de masse. Un tel parti est capable d'approfondir le sentiment républicain non pas seulement de l'électorat, mais de ses membres.

    Tu penses aussi que le nombre n'est pas garant du succès d'un parti, là-dessus, je ne suis pas d'accord. C'est vrai dans le cas d'un parti de pouvoir traditionnel, qui peut toujours tout acheter, mais dans le cas d'un parti populaire, le nombre est un élément vital. En 1980 et en 1995, le PQ avait 200 000 membres. Il y a une corrélation évidente entre son membership et sa capacité à réaliser l'indépendance.

    En ce qui concerne QS, mes critiques à son endroit ne sont pas nécessairement une défense d'ON. Je suis bien d'accord pour dire que le fonctionnement interne de QS est nettement supérieur à celui d'ON et du PQ.

    Alors, quel est le sens de mon intervention, sur l'essentiel? Je veux surtout dire qu'on ne pourra jamais réaliser l'indépendance si on est pas capable de renoncer à l'idée du gouvernement provincial, le temps de préparer les nouvelles institutions. À partir du moment où tu acceptes de gouverner la province, tu ouvres une brèche irréparable. Je sais que tout le monde répond tout le temps qu'on peut faire les deux en même temps, gouverner et faire l'indépendance. Je ne suis pas d'accord, pour deux raisons. La première c'est qu'on s'expose à la tentation de gouverner sans vraiment faire l'indépendance, parce que faire l'indépendance, c'est plus difficile que gouverner. La deuxième, c'est que la diversité des opinions politiques est trop grande pour faire gober les deux morceaux en même temps. Il n'y aura pas d'union des forces indépendantistes sans programme commun, et à part l'indépendance, il n'y a pas grand chose en commun.

    Une constitution transparente, populaire et républicaine, que QS pourrait facilement obtenir en approuvant une union des forces indépendantistes, ce serait déjà plus que tout ce que la gauche a pu obtenir dans toute l'histoire politique du Québec.

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