La campagne électorale, déclenchée le 1er
août 2012, est l’occasion parfaite pour approfondir notre compréhension du
spectre politique québécois. Si on met de côté le fédéralisme conservateur du
Parti libéral, le pragmatisme populiste de la Coalition Avenir Québec et le
souverainisme social-libéral du Parti québécois (qui représentent en fait trois
variantes de l’idéologie néolibérale), nous pouvons scruter de plus près les
deux partis minoritaires mais les plus intéressants de la campagne :
Option nationale (ON) et Québec Solidaire (QS). Loin d’être des partis de
« gouvernance », il s’agit d’organisations politiques centrées sur
des idées, incarnées par des militant(e)s enthousiastes, qui proposent des
projets de société articulés sur une vision du monde. La querelle qui oppose
les nationalistes aux solidaires est très instructive quant à la question de la
souveraineté, et sur les manières d’y accéder. Après une brève analyse
comparative des deux partis, une troisième voie pour l’indépendance sera
esquissée.
Option nationale
Option nationale est un jeune parti indépendantiste,
né d’un schisme initié par Jean-Martin Aussant, ancien membre du Parti
québécois. Non satisfait par l’électoralisme et l’attentisme de ce dernier, il
préconise un retour aux sources du projet souverainiste de René Lévesque :
une social-démocratie teintée de pragmatisme économique, subordonnée au
processus d’accession à la souveraineté politique. La fameuse formule du LIT (lois,
impôts, traités), permet de circonscrire de manière pédagogique la souveraineté
du Québec. Celle-ci est perçue comme une question ontologique (avant d’être de
gauche ou de droite, il faut Être), dont la résolution offrira tous les outils
pour assurer un plein développement économique. À ce titre, la nationalisation
des ressources naturelles, la gratuité scolaire et autres politiques
« progressistes » sont conçues de manière instrumentale, celles-ci
visant d’abord l’exploitation efficace du capital humain et naturel :
« Le
Québec possède un potentiel mondialement enviable à plusieurs égards, incluant
son capital humain (la population) et ses ressources naturelles (le
territoire). Il faut mettre fin aux politiques qui minent la capacité du Québec
de se développer à son plein potentiel. » http://www.optionnationale.org/la-plateforme/2-pour-une-economie-du-quebec-qui-enrichit-les-quebecois
Même si ON ne tombe pas dans les
grossièretés identitaires de la CAQ, il met tout de même l’accent sur l’unité
de la « culture nationale » essentiellement francophone, les
minorités et les autochtones se retrouvant complètement marginalisés dans le
programme du parti. Le nationalisme dont il se réclame est donc largement
« identitaire », celui-ci se concentrant sur l’appartenance
culturelle et territoriale d’une communauté majoritaire. Par ailleurs, ON mise
sur une stratégie « d’indépendance par le haut », l’élection de son
parti étant interprétée comme une sorte de mandat que la population confierait
à une élite chargée de réaliser la souveraineté. La Constitution du Québec ne
serait rédigée que dans un deuxième temps, avec une large consultation de la population
supervisée par des « experts », le référendum servant à officialiser
le processus d’indépendance déjà entamé par le LIT des gouvernants. ON privilégie ainsi un parlementarisme qui ne s'inscrit pas dans les luttes sociales de la rue.
Cette stratégie repose sur une conception
de la « souveraineté nationale », issue de l’abbé Sieyès. Puisque la
Nation est supérieure à la somme des individus qui la composent, le peuple ne
peut pas se gouverner directement ; il doit être représenté par des élus
responsables de son destin. Cette vision exclut la démocratie directe et
consacre le régime représentatif. L’amélioration du mode de scrutin, les
élections à date fixe et la régulation des lobbys ne sont que des
modernisations de la démocratie représentative, et non son dépassement. Pour
résumer, ON entend poursuivre le processus interrompu de la Révolution tranquille,
tendu vers la création d’un État inspiré du modèle français (républicain et
laïc), et aiguisé par certaines sensibilités participatives (mandats
d’initiative populaire, Conseils régionaux). Sans remettre en question les
fondements du capitalisme ou de la démocratie libérale, ce parti souhaite
instaurer une social-démocratie française en Amérique du Nord.
Québec solidaire
Si ON représente une sorte de Parti
québécois radical, Québec solidaire propose une social-démocratie radicalisée.
Issu de la fusion de l’Union des forces progressistes et d’Option citoyenne, ce
parti de gauche ne fait pas de compromis sur la justice sociale, véritable
point pivot de son programme. L’écologisme, le féminisme, l’égalitarisme et
l’altermondialisme sont des déclinaisons progressives de cet idéal, dont
l’indépendance du Québec représente la clef de voûte ; sans souveraineté, il ne
saurait y avoir de transformation majeure de la société. Voilà la distinction
fondamentale entre les deux partis : ON est d’abord indépendantiste puis
accessoirement progressiste, tandis que QS est avant tout progressiste et
instrumentalement indépendantiste.
Cette opposition peut laisser croire
qu’ON serait davantage souverainiste, tandis que QS voudrait réduire
l’indépendance à un projet de gauche. Cette comparaison n’est pas exacte. Pour
mieux distinguer les différences de hiérarchisation des priorités entre les
deux partis, nous pouvons utiliser l’analyse du sociologue Claus Offe relative au
« problème de la simultanéité ». Si ce schéma fut d’abord utilisé
pour étudier les transitions démocratiques des pays socialistes de l’Europe de
l’Est, il peut s’avérer précieux pour éclairer les dimensions interdépendantes
et nécessaires à la création d’un nouvel État-nation.
Niveaux
hiérarchiques
|
Question
|
Motivation des
acteurs
|
Interprétation des
relations sociales
|
Limites de la
communauté nationale
|
Territoriale
|
Passions
|
Qui doit prendre
part au jeu
|
Cadre
constitutionnel démocratique et institutionnel
|
Démocratique
|
Raison
|
Détermination des
règles du jeu
|
Politique ordinaire
|
Économique
|
Intérêt
|
Comportement des
joueurs
|
De manière chronologique, Option
nationale débute par la création d’un État souverain sur le plan législatif,
fiscal et international (question territoriale), pour ensuite se doter d’une
constitution (question démocratique). Une fois le processus terminé, il laisse
enfin la voie libre au débat gauche/droite (question économique). À l’inverse,
Québec solidaire fonde son analyse sur les inégalités sociales et les rapports
de domination (question économique), qui conduit à la nécessité d’une Assemblée
constituante (question démocratique), qui a pour objectif de déterminer les
règles du jeu pour ceux qui voudront prendre part à la communauté politique de
l’État québécois émergent (question territoriale).
Le modèle préconisé par QS est celui de
« l’indépendance par le bas », basé sur une conception de la
« souveraineté populaire » qui implique une participation active de
l’ensemble de la population. La différence entre souveraineté populaire et
nationale est fondamentale, car elle reprend le dilemme démocratique de la
Révolution française : « Les hommes de 1789 oscillent en effet en
permanence entre la vision d’une souveraineté-principe,
relativement passive, qui ne s’inscrit aucunement dans une perspective de
gouvernement populaire, et la vision audacieuse d’une souveraineté-exercice. » (Pierre Rosanvallon, La démocratie inachevée, p.17)
La démocratie participative
(contrairement au gouvernement représentatif) permet de rendre visible la diversité
du peuple québécois, et de reconnaître le rôle central des communautés
autochtones qui devraient également jouir du principe d’auto-détermination.
Ainsi, comment pouvons-nous nous arroger du droit de s’émanciper de la tutelle
de l’État canadien, si nous ne reconnaissons pas également le droit aux peuples
dominés par nos institutions de se libérer également s’ils le désirent?
Pourquoi refuser ou mettre sous silence une exigence d’émancipation pour ceux
qui sont aliénés par nous? Cette reconnaissance initiale de la diversité
inhérente à la nation québécoise renvoie au « nationalisme civique »
de Québec solidaire, qui est davantage politique que culturel. « Ce qui constitue une nation, ce n'est
pas de parler la même langue, ou d'appartenir à un groupe ethnographique
commun, c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de
vouloir en faire encore dans l'avenir. » (Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation?, 1882)
Sur le plan social et économique, le recul
important de la social-démocratie dans les pays occidentaux devrait inciter les
acteurs progressistes à se méfier du « bon sens » économique du
social-libéralisme pragmatique, qui a donné prise à de nombreuses politiques
néolibérales et autres plans d’austérité votés par des partis de gauche. Si QS
n’envisage pas une rupture nette avec le capitalisme ou une abolition de la
démocratie représentative, il oppose néanmoins une résistance sans compromis au
vent néolibéral, en proposant une « économie solidaire » susceptible
d’amorcer une transition écologique vers un monde post-pétrolier. Pour
reprendre une distinction présentée dans un autre article de ce blog, il s’agit
d’établir un « socialisme démocratique », assurant une démocratie
économique par le bas.
La différence entre ON et QS n’est donc
pas de degré, mais de nature ; le premier n’est pas plus indépendantiste que le
second, car ces partis supposent deux conceptions opposées de la souveraineté
et du pouvoir. D’une part, la souveraineté nationale maintient les inégalités
politiques entre gouvernants et gouvernés, et l’économie de marché accentue les
inégalités économiques entre capitalistes et travailleurs. D’autre part, la
souveraineté populaire souhaite limiter la séparation entre l’État et la
société civile, et réduire considérablement les injustices socio-économiques
par le biais d’une économie solidaire. Les nationalistes visent d’abord une
révolution politique en laissant de côté la question sociale, tandis que les
solidaires militent pour une révolution sociale dont les dimensions politiques
et économiques seraient deux dimensions interdépendantes.
Option nationale
|
Québec Solidaire
|
Souveraineté
nationale
|
Souveraineté
populaire
|
Démocratie
représentative
|
Démocratie
participative
|
Économie
capitaliste
|
Économie solidaire
|
Indépendance par le
haut
|
Indépendance par le
bas
|
Nationalisme
identitaire
|
Nationalisme
civique
|
Révolution
politique
|
Révolution sociale
|
Social-démocratie
|
Socialisme
démocratique
|
Anarcho-indépendantisme
Enfin, une troisième option, encore plus
marginale ou disons originale, permet de soutenir l’indépendance du
Québec dans une perspective d’émancipation collective. L’anarcho-indépendantisme,
qu’il faut bien distinguer de l’anarcho-nationalisme qui mélange des éléments
issus de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite (abolition du capitalisme et
de l’État afin d’établir une société décentralisée en communautés ethniques
séparées), souhaite jumeler les luttes de libération nationale aux idées
anti-autoritaires. Que ce soit au Pays Basque (Batasuna), en Catalogne (Negres
Tempestes) ou en Bretagne (Coordination Bretagne indépendante et libertaire
(CBIL), différentes organisations libertaires apportent un soutien critique aux
mouvements d’indépendance (souvent régionaux), refusant ainsi de sombrer dans
la dichotomie entre nationalisme bourgeois et internationalisme ouvrier. Dans le Québec des années 70, la revue
Possibles (née de la rencontre de poètes comme Gaston Miron et de sociologues
comme Gabriel Gagnon et Marcel Rioux) essayait déjà de conjuguer
indépendantisme et autogestion, alors qu’un syndicaliste radical comme Michel
Chartrand n’hésitait pas à affirmer sa triple affiliation nationaliste,
chrétienne et socialiste (aux accents libertaires) : « On va se
mettre en opposition carrée avec le pouvoir. On va aider les contestataires,
les révolutionnaires, ceux qui veulent faire la révolution ! »
Un argument récurrent des anarchistes et de
nombreux marxistes consiste à montrer que l’identité nationale représente une
fausse unité, qui nie les différences entre classes dominantes et dominées, la
solidarité internationale des travailleurs étant le réel vecteur de
transformation sociale : prolétaires de les tous pays, unissez-vous! De plus,
le sentiment patriotique renvoie souvent à la haine de l’autre, au
conservatisme, à l’impérialisme, voire au militarisme. Évidemment, il serait
utile de distinguer un nationalisme de gauche (défendu par QS) et un nationalisme de droite, ce dernier étant basé sur la défense d’une culture majoritaire (CAQ, Mathieu Bock-Côté). Mais
le « nationalisme socialiste » ne saurait satisfaire les anarchistes
ordinaires, pour lesquels il n’y a ni Dieu, ni Maître, ni État, ni Patrie.
Si l’anarcho-indépendantisme ne peut
appuyer le nationalisme identitaire, qui nie le conflit entre classes sociales (gauche-droite)
et met l’accent sur la communauté constitutive
(PQ, ON), il peut néanmoins accueillir une version modifiée du nationalisme
civique, reposant sur l’idée de communauté associative.
D’un côté, la communauté constitutive
correspond à la culture première, au donné
dans lequel l’individu est d’abord immergé par la socialisation primaire. D’un
autre côté, la communauté associative provient d’une entente volontaire, d’un
intérêt à coopérer dans un but commun. De nature contractuelle, elle réunit des
individus engagés à participer ensemble à une activité, une organisation ou une
communauté, lesquelles sont visées
plutôt que données.
Si les anarchistes reconnaissent la
communauté constitutive comme un fait social,
elle ne saurait représenter un principe
d’organisation politique. Il serait moralement arbitraire d’établir une
communauté politique sur des frontières rigides permettant de discriminer des
ayant droit (citoyens) des autres individus extérieurs à l’État ou à la
communauté d’origine (étrangers). Une société libertaire repose plutôt sur la
libre association d’individus égaux (autogestion), qui se gouvernent par une
participation active au sein de l’espace public (démocratie directe). L’État
national ne peut donc être l’unité politique privilégiée, le modèle
fédéraliste étant le plus généralement répandu par les libertaires.
De ce fait, les anarchistes seraient-ils
condamnés à être des fédéralistes, farouchement opposés aux indépendantistes
réclamant la « souveraineté », c'est-à-dire l'autorité suprême d’un État-nation? L’indépendance du
Québec ne risque-t-elle pas de simplement déplacer le problème, alors qu’il
faudrait tout simplement abolir l’État, le capitalisme et l’impérialisme qui en
découle? Une nuance importante est ici nécessaire : comme une société
libertaire devrait être idéalement décentralisée, l’élimination d’un palier de
pouvoir représente un pas dans la bonne direction. Par exemple, l’indépendance
par rapport au gouvernement fédéral canadien permettrait de se soustraire à
l’impératif militaire de ce dernier, la société québécoise pouvant opter pour
la non-militarisation. La dévolution du pouvoir, dans une optique de
subsidiarité descendante, devrait donc être couplée par l’autonomie accrue des
communautés locales, lesquelles pourraient déléguer un pouvoir aux niveaux supérieurs
en cas de besoin, dans une perspective de suppléance ou de subsidiarité
ascendante.
L’anarcho-indépendantisme devrait également
s’opposer farouchement au caractère absolu, exclusif et indivisible de la
souveraineté politique, préconisée par des penseurs comme Jean Bodin et Thomas
Hobbes. Même l’État démocratique populaire, dont pourrait se réclamer Québec solidaire, risque de sombrer dans les errements d’un holisme qui nierait l’autonomie des communautés autogérées. Jacques Maritain ne
disait-il pas que « l'État de Rousseau n'est que le
Léviathan de Hobbes couronné par la volonté générale»? C’est pourquoi la
souveraineté nationale (top-down), tout comme la souveraineté populaire
(bottom-up), sont susceptibles de favoriser la concentration du pouvoir au sein
d’un État autoritaire. La réponse « solidaire » à la question nationale est donc insuffisante, et devrait être remplacée par un modèle confédéral,
horizontal et pluraliste de souveraineté partagée.
Althusius et un nouveau
modèle québécois
Johannes Althusius (1557-1638),
philosophe, théologien et syndic de la ville d’Emden en Allemagne, est le plus
grand penseur politique entre Bodin et Hobbes. Dans son Politica methodice digesta (1603), il définit le maintien de la vie
sociale (association symbiotique) comme étant l’objet premier de la
politique : « La politique est l'art d'établir,
de cultiver et de conserver entre les hommes les conditions nécessaires,
essentielles et homogènes de la vie sociale ». Père du fédéralisme et du
principe de subsidiarité, sa pensée permet de sortir de la logique de
l’État-nation unitaire et hiérarchique. Il s’agit de concevoir autrement
l’articulation des niveaux d’organisation, afin d’assurer un maximum
d’autonomie à chacun et de promouvoir la communication entre les différentes
sphères d’interaction. « La communicatio correspond
à la mise en commun et à l'exercice mutuel du « lien organique de la vie civile
». Elle se traduit par une socialisation
progressive des éléments de la communauté, par une participation croissante de
ses membres à la vie commune, ainsi que par l'échange de biens et de services,
avec mise en commun de certains d'entre eux. » http://www.alaindebenoist.com/pdf/althusius.pdf
La pensée d’Althusius, à la
jonction du modèle éclaté et décentralisé du monde médiéval, et de l’idéal
d’autonomie cher à la modernité, offre d’intéressantes ressources pour repenser
l’organisation politique d’un Québec indépendant. Il s’agit d’éviter à la fois
le modèle fédéral, descendant et autoritaire canadien, et le piège de la
souveraineté nationale d’un État centralisé nouvellement créé. Ni fédéralisme
supra-national, ni souverainisme national, l’anarcho-indépendantisme pourrait
opter pour un confédéralisme infra-national, où le gouvernement du Québec
serait simplement un palier de coordination entre régions (cantons) autonomes.
La décentralisation du pouvoir serait encore plus marquée, les prérogatives de
l’État étant largement restreintes par la souveraineté d’une société civile
auto-organisée. Au lieu de copier le modèle français (à la manière d’Option
nationale), nous pourrions nous inspirer du modèle suisse ou allemand ; Montréal
deviendrait une province à la manière de Berlin (qui est un land), d’autres
régions (comme le Saguenay-Lac-St-Jean et les territoires amérindiens) pouvant
jouir d’une autonomie accrue.
L’anarcho-indépendantisme
radicalise en quelque sorte certaines pistes avancées par Québec solidaire, en
défaisant le monopole de l’unité nationale (et de l’État dirigiste) au profit
de l’autogestion des communautés. Le programme de QS reste beaucoup marqué par la centralisation étatique et le régime représentatif, et ne propose pas de véritables
procédures de démocratie directe pouvant garantir le caractère « anti-autoritaire »
du socialisme avancé par le parti. La « démocratie participative » qu’il
préconise relève davantage d’une modernisation des institutions représentatives
et de la gestion de l’État (à l’instar d’Option nationale), plutôt que d’une
transformation véritable de l’organisation politique de la société.
L’idéal serait plutôt une
forme d’éco-socialisme décentralisé, où les communautés pluralistes (dans la
région métropolitaine de Montréal) et plus homogènes (villages régionaux)
pourraient s’associer librement en fonction d’affinités individuelles,
culturelles, et interculturelles. L’anarchisme qui promeut l’universalisme abstrait d’individus libres, s’identifiant exclusivement à une classe homogène de travailleurs, écarte trop rapidement une
foule d’identifications sociales souvent fécondes : appartenances
familiales, communautaires, citoyennes, nationales, intellectuelles, etc. La
lutte ouvrière n’est plus la forme dominante de lutte, les nouveaux mouvements
sociaux (pacifistes, écologistes et féministes) étant largement tournés vers
des questions d’émancipation culturelle et identitaire. Les anarchistes doivent
prendre acte de cette nouveauté qui n’est pas le signe d’un échec
révolutionnaire, mais de l’élargissement du spectre de l’émancipation. L’objectif
de l’indépendance, c’est la transformation du monde ; et la transformation du
monde, c’est le mouvement de l’indépendance.






















